samedi 28 juin 2014

Comment expliquer la révolution des nouveaux classiques

« Dans le récit historique de la pensée macroéconomique que j’ai dressé dans un précédent billet, je décris la contre-révolution nouvelle classique comme méthodologique et idéologique. Elle a réussi car, selon moi, trop d’économistes étaient insatisfaits du fossé qui existait alors entre la méthodologie utilisée en microéconomie et la méthodologie utilisée en macroéconomie. 

Il y a une interprétation plus simple. De la même manière que la révolution keynésienne originelle émergea d’un échec empirique massif (en l’occurrence la Grande Dépression), la révolution des nouveaux classiques a profité de l’échec keynésien des années 1970 : la stagflation. On retrouve cette interprétation dans les propos du philosophe Alex Rosenberg. Celui-ci écrit que "la macrothéorie des nouveaux classiques donnait alors les bonnes réponses et expliquait ce qui se passait avec les modèles keynésiens". 

Je ne pense pas que ce soit vrai. La stagflation peut être très facilement expliquée : vous avez juste besoin d’une courbe de Phillips "accélérationniste" (c’est-à-dire où le coefficient sur l’inflation anticipée est égal à l’unité), plus un délai au cours duquel les autorités monétaires sous-estiment systématiquement le taux de chômage naturel. Vous n’avez pas besoin des anticipations rationnelles ou de toute autre innovation introduite par les nouveaux classiques. 

Il n’y a aucun doute sur le fait que l’inflation des années 1970 rendit peu attrayant le statu quo en macroéconomie. Mais je ne pense pas que l’attrait dont ont joui les idées des nouveaux classiques tienne à leur meilleure capacité prédictive. Les anticipations rationnelles ne furent pas attrayantes parce qu’elles expliquaient les données sur les anticipations courantes mieux que certaines formes d’anticipations adaptatives. En fait, elle semblait juste plus cohérente avec l’idée de rationalité qu’utilisaient les économistes. L’équivalence ricardienne n’a pas été une réussite parce que les données suggéraient que les réductions d’impôts n’affectent pas la consommation. Au contraire, les études ont montré les unes après les autres que les réductions d’impôts avaient un impact significatif sur la consommation. 

La stagflation n’a pas tué le modèle IS/LM. En fait, parce que la validation empirique était à l’époque si importante dans la méthodologie en macroéconomie, elle s’adapta à la stagflation très rapidement. Les politiques du monétarisme gagnèrent en éclat, mais celui-ci utilisait le même cadre IS/LM. En fait, l’événement décisif qui permit aux nouveaux classiques de gagner leur contre-révolution, ce fut la prise de conscience sur le plan théorique que si les anticipations étaient rationnelles, alors même que le comportement de l’inflation était décrit par une courbe de Phillips accélérationniste avec les anticipations à propos de l’inflation courante sur la partie droite, alors les écarts par rapport au taux naturel devaient être aléatoires. Le défaut fatal dans la théorie keynésienne et monétariste des années 1970 fut avant tout théorique, avant d’être empirique. » 

Simon-Wren Lewis, « Understanding the new classical revolution », Mainly Macro (blog), 28 juin 2014. Traduit par Martin Anota 

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