« Le nouveau livre de Paul Sabin, The Bet: Paul Ehrlich, Julian Simon and Our Gamble over Earth’s Future, revient sur le célèbre pari entre Ehrlich et Simon. Au fil des ans, de nombreux chercheurs et commentateurs ont fait état publiquement, et parfois très bruyamment, de leurs craintes quant à la capacité de notre planète à soutenir notre mode de vie. L'un des plus originaux était l’écologiste Paul Ehrlich, qui avait prédit à plusieurs reprises au cours des années 1960 et 1970 des pénuries généralisées de ressources et en conséquence une multiplication des catastrophes démographiques. Il est devenu plus qu’un intellectuel public, presque une marque connue de tous.
Mais les idées d’Ehrlich ont été contestées par l'économiste Julian Simon, qui était convaincu que l'ingéniosité technologique permettrait de surmonter toutes les pénuries avant qu’elles aient un réel impact sur le bien-être humain. Simon mit au défi Ehrlich de parier sur la hausse du prix d’un ensemble de matières premières qu’Ehrlich serait libre de choisir. Ehrlich choisit le chrome, le cuivre, le nickel, l'étain et le tungstène et il affirma que le prix ajusté à l’inflation de ces cinq métaux baisserait entre 1980 et 1990. Le pari s'est soldé par une victoire de Simon, puisque le prix de chacun de ces produits avait finalement chuté au cours de la période.
Mais comme le raconte Sabin, l'histoire aurait été différente si le pari avait été prolongé de deux décennies supplémentaires. Le graphique suivant montre qu'en effet la victoire de Simon a peut-être été prématurée : avant la Grande Récession, les prix avaient atteint et dépassé leur niveau de 1980.
GRAPHIQUE Prix des cinq métaux du pari Ehrlich-Simon (en indices base 100 pour 1980)
Bien sûr, cela ne prouve, ni ne réfute la thèse de Simon, en l’occurrence l’idée que la technologie répondra aux pénuries. Cela étant dit, revenir sur ce pari et le débat qui l’a précédé et qui l’a suivi est intéressant pour plusieurs raisons, comme nous le verrons dans nos prochains billets. Pour donner un aperçu, dans le prochain billet, nous allons suggérer que l'interprétation que l’on fait souvent du pari entre Ehrlich et Simon, reprise par Sabin, comme une confrontation des conceptions progressiste et conservatrice de la croissance économique et de la technologie, passe à côté de l’essentiel. Nous examinerons ensuite une partie de la littérature économique portant sur la façon par laquelle la technologie répond aux pénuries et les implications de cela pour le changement climatique. Nous conclurons avec un ultime billet où nous nous pencherons sur le rôle de la politique dans le progrès technologique. »
Daron Acemoglu & James Robinson, « Ehrlich, Simon and technology », in Why Nations Fail (blog), 19 novembre 2013. Traduit par Martin Anota
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