« […] D’une certaine façon, il est difficile de rester motivé à propos de l’analyse économique lorsque l’on va avoir un gouvernement qui ne s’intéresse pas à l’analyse, ni à l’empirique, ni à une quelconque forme de vérité. Je vais quand même faire un peu d’analyse de politique économique. C’est en partie une thérapie personnelle, une pause momentanée hors du cauchemar politique et un retour à mes quêtes de mes plus jeunes années. Mais c’est aussi utile : le pouvoir peut ne pas y avoir intérêt, mais le reste d’entre nous avons toujours un intérêt à savoir comment les choses fonctionnent.
mardi 27 décembre 2016
Comment les droits de douane influencent-ils le solde commercial ?
vendredi 11 novembre 2016
La mondialisation est-elle responsable de la stagnation des salaires américains ?
« La victoire de Donald Trump est interprétée par beaucoup comme une violente réaction à la mondialisation. Pour moi, cela nous amène à nous poser la question suivante : quelle est la contribution de la mondialisation au déclin des revenus réels de nombreux travailleurs ?
vendredi 21 octobre 2016
Le néolibéralisme et l’austérité
« J’aime penser le néolibéralisme non pas comme un certain genre de philosophie politique cohérente, mais plutôt comme un ensemble d’idées interconnectées qui sont devenues monnaie courante dans de nombreux discours que nous pouvons entendre. Il y a l’idée selon laquelle le secteur des entreprises privées est le seul créateur de richesse et que l’Etat ne peut typiquement que se mettre en travers de leur chemin ; l’idée selon laquelle ce qui est bon pour les entreprises est bon pour l’économie, même quand cela accroît leur pouvoir de monopole ou implique une chasse à la rente ; l’idée selon laquelle les interférences des gouvernements ou des syndicats avec les entreprises ou les marché ne peuvent être que nuisibles. Et ainsi de suite. Aussi longtemps que ces idées décrivent l’idéologie dominante, personne n’a besoin de les qualifier de néolibérales.
mardi 6 septembre 2016
Macroéconomie des robots : que nous enseignent la théorie et sept siècles d’histoire ?
« Avec les progrès dans l’apprentissage machine et la robotique mobile, les robots peuvent finir par réaliser plus efficacement vos tâches que vous. Cette idée amène certains à prédire un chômage de masse, un surcroît de loisir ou un futur sans travail. Mais les innovations économisant le travail et les débats qui les entourent ne sont pas nouveaux. La reine Elisabeth a refusé un brevet pour une machine à coudre par peur qu’elle crée du chômage. Ricardo pensait que la technologie réduirait les salaires et Keynes avait prédit la semaine de travail de 15 heures pour 2030. […]
mardi 16 août 2016
Pourquoi le PIB ?
« Le produit intérieur brut est l’indicateur le plus puissant de l’histoire. Le département du commerce américain considère qu’il s’agit de "l’une des plus grandes inventions du vingtième siècle". Mais son utilité et sa résistance reflètent des réalités politiques et non des considérations économiques.
dimanche 31 juillet 2016
N’est-il pas temps de laisser tomber Rawls ?
« Le Droit des gens (The Law of Peoples) de John Rawls constitue un ouvrage majeur en philosophie politique à l’ère de la mondialisation. Il a été écrit en 1993. Il m’a absorbé au début des années 2000, lorsque je travaillais déjà sur les inégalités mondiales, une question qui était alors totalement nouvelle, entièrement ignorée, en économie. La seule chose en économie qui s’en rapprochait le plus était le théorème Heckschler-Ohlin-Samuelson (HOS) dans l'économie du commerce international, théorème selon lequel les inégalités salariales doivent diminuer dans les pays pauvres et augmenter dans les pays riches quand ils s’engagent dans les échanges commerciaux. Mais ce n’est qu’une facette des mondialisations, qui ne prend en compte que les salaires et néglige d’autres formes de revenu : elle laisse de côté les mouvements de capitaux, l’aide au développement, les mouvements migratoires, les délocalisations, etc. Rien de cela n’était vraiment discuté en économie (et beaucoup de ces thèmes ne le sont toujours pas) dans un cadre mondial et non simplement dans une cadre très limité, par exemple une modélisation à 2 biens et 2 pays. Mais les philosophes politiques avaient beaucoup de choses à dire à propos de tout cela.
samedi 2 juillet 2016
Comment défendre l’égalité (sans l’économie du bien-être) ?
« Lorsque j’ai récemment parlé à la Summer School de la Groningen University, j’ai commencé par la question de la mesure des inégalités en distinguant entre l’école italienne et l’école anglaise, telles qu’elles étaient définies en 1921 par Corrado Gini : "Les méthodes des auteurs italiens ne sont pas comparables à celles de Dalton, dans la mesure où leur propos est d’estimer, non les inégalités de bien-être économique, mais les inégalités de revenu et de richesse, indépendamment de toutes les hypothèses relatives par exemple aux relations fonctionnelles entre ces quantités et le bien-être économique ou encore relatives au caractère additif du bien-être économique des individus".
vendredi 24 juin 2016
L’économie américaine s’en sort-elle vraiment mieux avec un Président démocrate ?
« Hillary Clinton a affirmé que l’économie américaine réalisait de meilleures performances macroéconomiques lorsque le Président est démocrate plutôt que républicain. Lorsque la presse s’attelle à vérifier une telle affirmation, il est tout à fait normal qu’elle parte avec la présomption que cela ne peut pas être vrai à 100 %. Après tout, si c’était le cas, ne le saurions-nous pas déjà ?
Eh bien, ne tournons pas autour du pot : cette affirmation est 100 % vraie.
mercredi 22 juin 2016
Trois remarques sur la relation entre croissance de la productivité et taux d’intérêt
« L’opinion communément admise à propos de la courbe des taux du Trésor américain est en gros la suivante : la croissance de la productivité semble être faible, or la croissance de la productivité et les taux d’intérêt varient amplement dans le même sens, donc on pourrait s’attendre à ce que les taux d’intérêt à long terme restent également faibles. Et le fait que l’orientation actuelle de la politique monétaire de la Fed (un maintien des taux proches de zéro) ait généré une croissance de la demande légèrement en excès par rapport à la croissance potentielle suggère que les Etats-Unis ne sont pas loin de ces faibles taux neutres de long terme.
Une telle idée peut être remise en question sur plusieurs fronts.
jeudi 2 juin 2016
Comment devons-nous enseigner la macroéconomie aux étudiants après la crise ?
« Comme je viens de terminer un mandat de sept ans comme économiste en chef au FMI et que je dois faire la septième édition de mon manuel de macroéconomie destiné aux étudiants, je suis confronté à la question suivante : Comment devons-nous enseigner la macroéconomie aux étudiants après la crise ? Voici certaines de mes conclusions. (Je me concentre ici sur le court terme et le moyen terme ; j’écrirai un autre billet pour discuter de la manière par laquelle nous devons enseigner la théorie de la croissance.)
samedi 30 avril 2016
Quand l’Europe a sombré
« Alors que j'étais en train de travailler sur l’économie européenne, je me découvre quelque peu insatisfait par les nombreuses comparaisons entre les Etats-Unis et la zone euro [...]. Pourquoi ? Pour la même raison que vous devez être prudent lorsque vous dressez un portrait pessimiste du Japon : la démographie.
jeudi 14 avril 2016
La faible croissance est une réalité dans le monde d’après-crise
« Une fois passées les phases aiguës de la crise financière et de la crise de l’euro, il est devenu manifeste que les économies avancées mettraient du temps à se rétablir. L’histoire des crises financières passées nous a clairement montré que la reprise est généralement longue et douloureuse suite à celles-ci.
samedi 2 avril 2016
L’hôtel de Schumpeter, les inégalités de revenu et la mobilité sociale
« Dans l’un des rares passages où il fait référence aux inégalités, Joseph Schumpeter a utilisé une métaphore pour illustrer la différence entre les inégalités que nous observons à un moment donné et la mobilité sociale (ou intergénérationnelle). Supposons, comme l’écrit Schumpeter, qu’il y ait un hôtel dont les étages supérieurs ne peuvent accueillir que peu de personnes et dont les chambres sont très agréables. A tout moment, il y a plein de gens dans les étages inférieurs, passant la nuit dans de petites chambres étroites, et juste quelques personnes dans les chambres agréables et confortables dans les étages supérieurs. Mais imaginons que les hôtes changent de chambre chaque nuit. C’est ce que fait la mobilité sociale selon Schumpeter : à chaque instant du temps, il y a des riches et des pauvres, mais à mesure que les nuits passent, les riches d’aujourd’hui peuvent être les pauvres d’hier et vice versa. Les hôtes dans les étages inférieurs (ou du moins leurs enfants) peuvent réussir à atteindre les étages supérieures, ceux au sommet peuvent se retrouver dans les étages inférieures.
mercredi 24 février 2016
Les vagues de Kuznets… ou comment les inégalités de revenu croissent et décroissent à très long terme
« En 1955, lorsque Simon Kuznets écrivait à propos de l’évolution des inégalités dans les pays riches (et un couple de pays pauvres), les Etats-Unis et le Royaume-Uni connaissaient alors l’une des plus fortes baisses des inégalités de revenu que l’on ait pu enregistrer au cours de l’histoire, couplée à une croissance rapide. Il semblait alors évident qu'il fallait parvenir à identifier les facteurs derrière la baisse des inégalités et Kuznets a pour sa part mis en avant le rôle joué par le développement de l’éducation, par la baisse des écarts de productivité entre les secteurs (donc par l’égalisation des composantes des salaires correspondant à des rentes), par la baisse du rendement du capital et par les pressions politiques en faveur d’une plus grande redistribution des revenus. Il se pencha alors sur l’évolution des inégalités au cours du siècle passé et estima que les inégalités avaient augmenté, et ce en raison de la réallocation de la main-d’œuvre du secteur agricole vers l’industrie, puis qu’elles avaient atteint un pic dans le monde développé quelque part autour du début du vingtième siècle. Il conçut alors ce qu’on appela par la suite la "courbe de Kuznets" (Kuznets curve).
mardi 16 février 2016
Y a-t-il des arguments justifiant une inflation supérieure à sa cible ?
« La théorie monétaire standard suggère que le taux d’intérêt nominal de court terme doit être réduit pour stimuler l’économie lorsque la demande globale est insuffisante, que la production est inférieure à son potentiel et que l’inflation est faible, c’est-à-dire lorsque les ressources économiques (notamment la main-d’œuvre) ne sont pas pleinement utilisées. Cependant le taux d’intérêt nominal est borné ; il peut difficilement aller en-deçà de zéro. En théorie, Eggertsson et Woodford (2003) ont montré que lorsque les taux d’intérêt nominaux sont contraints par leur borne zéro (zero lower bound), il est opportun pour la banque centrale de laisser l’inflation aller au-delà de sa cible pour accélérer la reprise de l’activité économique réelle.
vendredi 12 février 2016
Les aspects structurels des inégalités
« Malgré l’attention sans précédents que les inégalités de richesse et de revenu ont reçue lors de la campagne présidentielle qui se tient cette année aux Etats-Unis et lors de diverses autres élections qui ont récemment eu lieu en Europe, on ne peut qu’avoir l’impression que, pour plusieurs politiciens centristes, les inégalités sont juste un problème passager. Ils croient que lorsque la croissance retrouvera son rythme de 2 ou 3 % par an et que le chômage retournera à 5 % (ou tout du moins à un seul chiffre dans le cas de l’Europe) les gens vont juste oublier les inégalités et que la situation reviendra à ce qu’elle était il y a deux décennies. Personne ne s’inquiéterait de nouveau des inégalités.