samedi 21 décembre 2013

Le retour du capitalisme patrimonial

Recension du Capital au XXIe siècle de Thomas Piketty

 

« Nous sommes en présence d’un des livres les plus décisifs de la pensée économique. […] Un lecteur habitué des travaux de Thomas Piketty s’attendrait à découvrir un livre qui discute des enjeux entourant la concentration des revenus. Ce lecteur ne sera pas déçu. Toutes ces questions sont bel et bien là, décrites et expliquées plus clairement que jamais. Ce n’est toutefois pas la seule chose importante du livre. La contribution clé est l’analyse du capitalisme que réalise Piketty. Le livre fournit une "théorie générale du capitalisme". Les enjeux des inégalités ne sont qu’une facette, aussi importante soit-elle, de cette théorie générale. L’objectif de Piketty n’est ni plus ni moins que l’unification de la théorie de la croissance économique avec les théories de la répartition fonctionnelle et personnelle des revenus, et donc une description quasi complète du fonctionnement d’une économie capitaliste. […]

Les lois économiques fondamentales 

Pour comprendre Thomas Piketty, il faut retourner aux économistes classiques. Comme Ricardo, Malthus et Marx, Piketty construit une "machine" simple qui incorpore les aspects clés d’une économie capitaliste. Puis il laisse cette machine fonctionner et produire les résultats qui nourriront son analyse du passé et du futur. La "machine" ou, en langage plus moderne, le "modèle" consiste en une relation définitionnelle, deux lois économiques fondamentales du capitalisme (telles qu’elles sont qualifiées par Piketty) et une inégalité. 

Commençons avec la définition [chapitre 1] qui lie le stock de capital (K) au flux de revenu (Y). Le stock de capital inclut toutes les formes d’actifs rapportant un rendement explicite ou implicite : l’immobilier […], les terres, les machines, le capital financier sous forme de liquidité, d’obligations et d’actions, la propriété intellectuelle et même les êtres humains au temps du colonialisme. L’importance relative des différents actifs a bien sûr changé au cours de l’histoire : la propriété terrienne est bien moins importante aujourd’hui que par le passé. L’importance varie aussi entre les pays riches et les pays pauvres à un moment donné et entre différents groupes de revenu. Les riches détiennent généralement une plus grande part de leur capital sous forme d’actifs financiers, la classe moyenne détient la majorité de son capital sous forme immobilière et les pauvres (notamment dans les pays riches où ils représentent la moitié de la population) n’ont pas grand-chose comme actifs. […] 

La principale inquiétude de Piketty concerne ici le rapport entre le capital ainsi défini et le flux de revenu annuel total. Il appelle ce ratio β. A partir de ces études historiques portant sur la France, le Royaume-Uni et les Etats-Unis [chapitre 3], Piketty établit que β a, depuis à peu près la Révolution française jusqu’à aujourd’hui, suivi une forme en U. Il était élevé avant la Première Guerre mondiale, atteignant alors une valeur proche de 7 en France et au Royaume-Uni (et autour de 5 dans les Etats-Unis), puis il a été divisé par plus de deux au cours des cinquante années suivantes en Europe continentale et au Royaume-Uni, tandis qu’il restait inférieur à 4 aux Etats-Unis. Au cours des trente dernières années cependant, la pendule revient au point de départ et le ratio a augmenté, atteignant des valeurs qu’il n’avait pas atteintes depuis le début du vingtième siècle.

GRAPHIQUE 1 Ratio capital sur revenu en Europe 

La courbe en forme de U du ratio K/Y était connue des lectures des précédents travaux de Piketty. Dans ce livre, il donne plus de preuves empiriques montrant que c’est un processus qui caractérise toutes les économies capitalistes avancées. C’est La signification d’un β croissant n’apparaît clairement que lorsqu’elle est combinée avec la première loi fondamentale du capital et une relation clé sur les inégalités. La première loi fondamentale établit que la part des revenus du capital dans le revenu national total (α) est égale au taux de rendement, en termes réels, du capital (r) multiplié par β. Il n’y a rien de nouveau ici : c’est simplement une identité. 

Mais si le taux de rendement du capital (r) reste de façon permanente au-dessus du taux de croissance de l’économie (g) (c’est la relation d’inégalité clé de Piketty r>g), alors α s’accroît par définition et, combiné avec un β croissant, il peut fortement pousser la part du capital dans le revenu national à la hausse. Le processus présente un effet retour : comme α augmente, non seulement les propriétaires du capital deviennent plus riches, mais (à moins qu’ils consomment la totalité du rendement de leur capital) il leur en restera davantage pour réinvestir. La hausse de l’épargne pousse le taux de croissance du capital à s’écarter davantage du taux de croissance du revenu national, si bien qu’elle accroît β. Donc non seulement un β plus élevé mène à un α plus élevé, mais un α plus élevé mène aussi à un β plus élevé. Ceci est, en bref, comment la machine de Piketty fonctionne. Prenons le fait que β ait été croissant dans les économies avancées, combinons cela avec une relation définitionnelle (la première loi fondamentale) et supposons que r>g. Le processus entraîne une déformation de la répartition fonctionnelle du revenu en faveur du capital et, si les revenus du capital sont plus concentrés que les revenus du travail (un fait peu controversé), la distribution du revenu personnel va également devenir plus inégale, ce qui est en effet ce à quoi nous avons assisté au cours des trente dernières. Jusque ici tout va bien. 

Le “modèle” dépend toutefois de façon cruciale de l’inégalité r>g. Si r=g, alors le capital et le revenu national s’accroissent au même taux, β est stable et la part du capital dans la production totale reste la même. Un résultat très néoclassique. Donc, pour que l’approche de Piketty soit valide, les données empiriques devront confirmer si r>g est suffisamment important. Nous reviendrons sur ce point. 

La seconde loi fondamentale concerne la détermination à long terme de β. Grâce à la théorie de la croissance, nous savons que le ratio capital sur production à l’état régulier va être égal au taux d’équilibre divisé par le taux de croissance de l’économie. Donc, à long terme nous serions capables de définir les β d’équilibre qui seraient différents d’un pays à l’autre. Cependant, la seconde loi présente un rôle plutôt secondaire dans l’analyse de Piketty et il y a recours seulement lorsqu’il considère à quel niveau les β pourraient se fixer dans un (mythique ?) état régulier. […] 

La réinterprétation de la récente histoire économique

Nous avons vu que β a augmenté dans les pays avancés depuis environ 1700 jusqu’à la Première Guerre mondiale. Piketty explique cette hausse […] comme étant la conséquence d’un rendement élevé sur le capital agissant sur une accumulation régulière du capital dans un environnement qui était institutionnellement plus favorable aux capitalistes plutôt qu’aux travailleurs. […] 

Mais pourquoi β, après la période de la Belle Epoque, décline précipitamment en Europe continentale, au Royaume-Uni et au Japon (et un peu moins aux Etats-Unis) ? C’est, affirme Piketty, en raison de la destruction physique du capital durant la période extraordinaire des deux guerres mondiales, de la forte taxation de l’héritage et des impôts sur le revenu “confiscatoires“ (des mesures qui étaient intimement liées au besoin de soutenir l’effort de guerre), de la forte inflation qui aida les débiteurs au détriment des créditeurs et finalement de l’atmosphère politique plus favorable au travail au sortir de la Seconde Guerre mondiale. Tous ces facteurs furent nuisibles à l’accumulation du capital, réduisant β et la part du capital dans le revenu national. Ce fut cependant l’Age d’Or du capitalisme, les “trente glorieuses“ (1945-1975) comme on l’appelle en France ou le “Wirtschaftswunder” des Allemands. Les pays européens, les Etats-Unis et le Japon ont connu la plus forte croissance de leur histoire. Les pays européens et le Japon rattrapèrent presque entièrement les Etats-Unis en termes de productivité horaire du travail, le ratio capital sur production et le rendement net sur le capital furent faibles, la taxation élevée, la distribution fonctionnelle des revenus se déforma en faveur du travail et la répartition personnelle du revenu devint moins inégale. Ceci apparaît rétroactivement comme un Age d’Or, souvent regretté par les baby boomers vieillissants, nés et élevés à cette époque. 

Mais avec les révolutions Thatcher-Reagan à la fin des années 1970, l’Age d’Or s’achève et le capitalisme retrouve sa forme du dix-neuvième siècle. Le capital s’était déjà lentement reconstitué ; mais, depuis la fin des années 1970, avec la réduction des impôts sur les profits et revenus (un point que Piketty documente savamment) et la quasi élimination des taxes sur l’héritage, la reconstitution s’accéléra et β amorça une ascension régulière, retrouvant à la fin du vingtième siècle les valeurs qu’il atteignait un siècle plus tôt. Le taux de croissance des économies capitalistes avancées décline parce que la convergence arrive à son terme et les répartitions fonctionnelle et personnelle des revenus se détériorent ; la première se déformant en défaveur du travail, le second en défaveur de tout le monde, sauf des 1 % des ménages les plus aisés. […] 

La conception de Piketty de l’Age d’Or est qu’elle fut un phénomène très spécial et non reproductible dans l’histoire du capitalisme. En raison du processus de convergence, les pays capitalistes d’Europe et le Japon ont connu une croissance plus rapide que s’ils avaient été à la frontière technologique. La hausse du taux de croissance démographique a également poussé g vers le haut (notons que g est la somme de la croissance de la population et la croissance du revenu par tête). D’un autre côté, les facteurs institutionnels, notamment la forte imposition et la menace du communisme (que Piketty ne mentionne pas) maintinrent r à un faible niveau et renversa l’inégalité r>g au cours d’une période unique du l’histoire du capitalisme [chapitre 10]. Tout le développement positif durant l’Age d’Or (et ceci n’est pas une exagération) découla du renversement de cette inégalité. […] 

Les choses sont différentes, maintenant que le “periodo especial” du capitalisme s’est achevé. Premièrement, comme nous l’avons vu, les politiques économiques, en particulier en ce qui concerne l’imposition des profits, ont changé. Puis, la transition démographique (le faible taux de croissance de la population) affecte maintenant tous les pays européens et à une moindre ampleur les Etats-Unis, ce qui réduit bien sûr davantage g. La fin de la convergence implique que tous les pays avancés vont croître au rythme du progrès technique, or ce dernier croît chaque année, selon Piketty, de 1 et 1,5 % par an. Ajoutons 1 % de croissance démographique et g n’excède pas 2,5 % par an. Si r reste, comme le pense Piketty, à son niveau historique de 4-5% par an, tous les développements négatifs observés au cours du dix-neuvième siècle vont se reproduire. 

Notons que la croissance de long terme est donnée de façon exogène par le progrès technique et la croissance démographique. Le problème est que ce nouveau taux g est faible et va inévitablement être inférieur au taux de rendement du capital. Ce sont les effets distributionnels de ce dernier (c’est-à-dire de l’inégalité r>g) qui s’avèrent délétères pour la société dans son ensemble : ils favorisent les propriétaires face au travail, les inactifs sur les actifs, raillent l’égalité des chances et la méritocratie et sapent la démocratie comme les riches utilisent leur argent pour acheter les politiques qu’ils désirent. Piketty n’accuse pas la faible croissance pour l’impasse où se trouvent actuellement les pays occidentaux : la faible croissance est inévitable une fois que les pays ont atteint un très haut niveau de revenu. C’est la "main morte" des précédentes générations (le ratio K sur Y élevé) et les hauts rendements du capital qui détruisent la cohésion des sociétés capitalistes avancées d’aujourd’hui. "Le passé dévore l’avenir" [chapitre 16].

r va-t-il toujours dépasser g ?

Mais […] si le ratio capital sur production s’accroît autant, le rendement marginal du capital ne devrait-il pas diminuer ? r ne devrait-il pas baisser ? C’est évidemment un point sensible dans la machine de Piketty. Il met en avant tout un tas de données historiques pour montrer que r a été plutôt stable durant les deux derniers siècles malgré de larges variations du ratio K sur Y. il affirme aussi [chapitre 10] que, même si nous retournons davantage dans le passé, aux temps romains, r a été régulier autour de 5-6 %. Un graphique saisissant, reproduit ci-dessous, présente un large écart positif entre r et g de l’Antiquité jusqu’au début du vingtième siècle, sa disparition (ou plutôt l’inversion, g>r) au cours d’une grande partie du vingtième siècle et sa récente réapparition. Cependant, Piketty considère que le processus actuel de sophistication financière et la concurrence internationale pour le capital contribuent à maintenir r à un niveau élevé. Alors que beaucoup de gens remettent en question l’intermédiation financière et l’accusent d’avoir provoqué la Grande Récession, Piketty considère qu’elle contribue à découvrir de nouvelles manières plus productives d’utiliser le capital financier et de maintenir le taux de rendement à un niveau élevé. Mais loin de faire de ce r élevé une bonne chose pour l’économie, il la considère comme le présage d’un désastre, à moins que nous ne retournions à un niveau élevé d’imposition. 

GRAPHIQUE 2 Rendement du capital (après impôts) et taux de croissance au niveau mondial depuis l'Antiquité jusqu'en 2100 

Le lecteur sera-t-il convaincu par l’argument selon lequel l’élasticité de substitution entre la capital et le travail est susceptible de rester élevé et qu’un accroissement du capital ne va pas pousser r à la baisse ? Difficile de le dire. Les arguments de Piketty, en particulier ceux tirés de l’histoire économique et des données qu’il a recueillies, sont robustes et convaincants (voir par exemple son estimation de rendement net du capital en France et au Royaume-Uni sur deux siècles dans le chapitre 6). Mais il remet en cause l’un des principes fondamentaux en théorie économique : les rendements décroissants d’un facteur de production abondant. Piketty se montre en effet critique envers l’idée que les rendements marginaux fixent toujours le prix du travail et du capital, mais ces arguments ne sont pas développés et prennent la forme d’un obiter dicta. 

La validité du “modèle” de Piketty dépend donc de la proposition clé de la stabilité relative du taux de rendement du capital. […] Nous devons attendre le jugement de l’histoire.

Le capitalisme patrimonial

Comment l’idée du “retour du capital” ou même du ”retour du rentier” cadre-t-elle avec l’importance croissante de l’éducation et quelque chose que Piketty et Saez [2003] et Piketty lui-même ici (par exemple avec le graphique suivant) ont documenté, en l’occurrence l’importance croissante des hauts revenus du travail pour les 1% des ménages les plus aisés ? Ne sommes-nous pas éloigné du capitalisme de rentier de l’Europe du dix-neuvième siècle ? Piketty est d’accord. Un β élevé ne signifie pas exactement la même chose aujourd’hui qu’il y a cent ans. 

GRAPHIQUE 3 Les transformations du centile supérieur aux Etats-Unis 

Nous vivons en effet dans un “capitalisme patrimonial” […], mais avec (i) une plus faible concentration de la propriété au sommet, (ii) une propriété qui a “pénétré” bien plus profondément dans les classes moyennes et (iii) des revenus du travail des hauts dirigeants et banquiers qui leur permettent de se placer aux côtés des “rentiers” dans le centile supérieur. Parmi les membres du centile supérieur "cohabitent" les "rentiers qui se contentent de détacher des coupons" et les "riches travailleurs" [chapitre 8]. Le "capitalisme patrimonial" moderne a réussi à étendre la propriété dans toute la moitié supérieure de la répartition (par opposition au 5 % supérieurs au début des années 1900) et à générer de hauts revenus du travail. 

Mais la possession du capital, souvent issu de la richesse héritée, reste toujours crucialement importante et Thomas Piketty montre que le flux annuel d’héritage comme part du revenu national en France, au Royaume-Uni et en Allemagne aujourd’hui est à peu près le même qu’il y a un siècle : entre 8 et 12 % du revenu national. De plus, le pourcentage de la population née dans les années 1970 et 1980 qui a reçu un héritage dont le montant est équivalent aux gains accumulés par un travailleur dans la moitié inférieure de la distribution salariale est d’environ 12%, soit le même chiffre qu’il y a un siècle. Pour les générations qui viennent ce chiffre va probablement atteindre 15 % [chapitre 11]. Piketty en conclut alors que le “capitalisme patrimonial“ d’aujourd’hui n’est pas exactement le même que celui d’il y a un siècle : il a une base plus large et la richesse est moins concentrée au sommet ; les hauts revenus du travail sont plus fréquents. Mais ses aspects clés (la possibilité de générer un revenu satisfaisant sans avoir à travailler) sont toujours là. Le dilemme de Rastignac est de retour. 

Les revenus du travail des banquiers et financiers sont-ils des revenus du travail classiques déterminés par la productivité marginale ? Thomas Piketty en doute. Il met en avant des preuves empiriques suggérant que de tels gains au sommet dépendent principalement d’événements heureux qui n’ont rien à voir avec la qualité de la direction. Il ne pense pas que le produit marginal des banquiers et dirigeants supérieurs puisse être déterminé avec certitude : leurs hauts salaires sont le produit d’un accord collusif entre eux-mêmes et les conseils d’administration [chapitre 9]. Et, afin de les limiter, Piketty donne un rôle clé à l’imposition (“confiscatoire“). De lourds impôts sur les super riches vont avoir un faible effet sur le revenu, mais ils vont dissuader les banquiers et dirigeants de demander de tels salaires exorbitants. Comme le rappelle Piketty, dans les années 1960 et 1970, le taux d’imposition marginal aux Etats-Unis sur les plus hauts revenus était au voisinage de 90 % et il semblait absurde aux dirigeants d’insister pour avoir un autre million si 90 % de celui-ci finissait entre les mains du fisc. Mais avec un taux d’imposition marginal de 25%, l’histoire devient entièrement différente. Donc, le rôle de l’imposition (marginale) “confiscatoire“ est […] de limiter les hauts revenus “socialement improductifs“ qui sont un gâchis, dans le sens où ils ne sont pas nécessaires pour accroître la production future. L’imposition est aussi nécessaire pour réduire le pouvoir politique des riches. 

Bref, les sociétés où le ratio K sur Y est élevé et où le taux de rendement dépasse le taux de croissance de l’économie vont toujours avoir tendance à convertir les entrepreneurs en “rentiers“. Dans de telles sociétés, “l’idée selon laquelle la libre concurrence permet de mettre fin à la société de l’héritage et de conduire à un monde toujours plus méritocratique est une dangereuse illusion“ [chapitre 11]. [...] 

Le rejet de la courbe de Kuznets

La distribution individuelle des revenus et la concentration des revenus au sommet sont si liés à l’œuvre de Thomas Piketty qu’ils […] jouent un rôle important dans le livre. Piketty rappelle que la concentration des revenus a suivi au cours des cent dernières années une courbe en forme du U dans la plupart des pays capitalistes, mais surtout au Royaume-Uni et aux Etats-Unis. Piketty relie ici ce constat à l’évolution (également en forme de U) du ratio capital sur production et à l’évolution (cette fois-ci en forme de U inversé) des taux d’imposition marginaux. Ces deux forces déterminent fondamentalement la concentration du revenu : si le ratio capital sur revenu est élevé et les taxes faibles, les revenus vont se concentrer. Alors que les précédents travaux de Piketty et de ses collègues présentaient l’évolution historique en forme de U de la concentration des revenus comme une découverte empirique importante, mais sans plus, Piketty l’intègre ici dans un cadre économique global où nous voyons pourquoi et comment elle émergea. La théorie de Piketty de la concentration des revenus peut être qualifiée de "théorie politique" car les principales forces qui façonnent la concentration des revenus sont politiques : guerres, taxation et inflation. 

Comme dans son précédent ouvrage (Les Hauts Revenus en France), Piketty rejette la courbe en forme de U inversé des inégalités de revenus de Simon Kuznets (les inégalités augmentant à de faibles niveaux de revenus, atteignant un pic à un certain niveau de développement et diminuant par la suite au fur et à mesure que le pays s'enrichit). Il le fait sur plusieurs terrains. Premièrement, il ne voit aucune force spontanée dans le capitalisme qui pousserait les inégalités de revenu à la baisse ; plutôt, les seules forces spontanées en présence vont pousser la concentration des revenus à la hausse. Deuxièmement, Kuznets a mal interprété la baisse temporaire des inégalités que l’on a pu observer après la Seconde Guerre mondiale en la considérant comme la preuve que le capitalisme est devenu plus "bénin", or cette baisse, comme le suggère Piketty, est due à des circonstances uniques et non reproductibles. Il n’y a pas de dépassement du capitalisme. Troisièmement, il pense que la théorie de Kuznets doit en partie son succès au message optimiste (un "conte de fée") qu’elle offrit durant la guerre froide, à savoir que les plus pauvres économies capitalistes ne seraient pas condamnées à de fortes inégalités. Il y a la lumière au bout du tunnel : si vous suivez les prescriptions de Washington suffisamment longtemps, non seulement vos revenus vont croître, mais les inégalités vont aussi se réduire. Finalement, Piketty souligne que les données disponibles pour Kuznets (comme ce dernier a pu lui-même le reconnaître) étaient […] dérisoires. […]

Recommandations en matière de politique économique

La recommandation politique qui a le plus retenu l'attention est l'appel de Piketty à une taxation mondiale du capital. Elle découle directement de sa préoccupation concernant l'inégalité r>g. La seule façon de l'inverser, si g est donné de manière exogène, est de réduire r. Malgré son caractère grandiose et peut-être irréaliste (Piketty la qualifie, peut-être en clin d'œil à John Rawls, d'"utopie utile"), on aurait tort d’écarter d'emblée cette proposition. Personne ne croit qu'elle puisse être mise en œuvre hic et nunc, et Piketty non plus. Mais elle repose sur plusieurs points forts.

Premièrement, l'analyse esquissée jusqu'à présent (si on l'accepte pleinement) montre les dangers d'un système fondé sur l'héritage qui favorise ceux qui n'ont pas besoin de travailler pour subvenir à leurs besoins. Cela peut précisément être modifié par un impôt sur le capital. Deuxièmement, les impôts sur le capital, qu'ils prennent la forme d'impôts fonciers ou d'impôts sur les successions, ont une longue histoire, probablement la plus longue de toutes les taxes, précisément parce que certaines formes de capital étaient difficiles à dissimuler. Étendre cette approche à toutes les formes de capital semble logiquement cohérent. Troisièmement, les exigences techniques d'une telle taxe (qui existe sous une forme rudimentaire dans la plupart des économies avancées) ne sont pas insurmontables. Le logement est déjà taxé ; la valeur de marché des différents instruments financiers est facilement vérifiable et l'identité des propriétaires est connue. Les problèmes sont, bien sûr, politiques. L'application d'une telle taxe par un pays, même le plus important, comme les États-Unis, peut facilement entraîner des sorties de capitaux. Une collaboration internationale est donc indispensable. Cette collaboration a peu de chances d'être soutenue par les pays qui profitent actuellement le plus de l'opacité des transactions financières et offrent des paradis fiscaux aux riches. En outre, certaines économies de marché émergentes pourraient aussi être réticentes à y souscrire. Mais une proposition plus modeste, articulée autour des pays-membres de l'OCDE (ou de l'UE et des États-Unis), est, selon Piketty, réalisable. Il considère la législation américaine récemment adoptée (Foreign Account Tax Compliance Act) comme l'une des premières étapes susceptibles de conduire à une taxation régionale du capital. Je n'aborderai pas ici les autres avantages et inconvénients d'un tel système. C'est un sujet important pour les spécialistes de la fiscalité et, comme on peut le voir, il se heurte à de nombreux problèmes d'économie politique. Mais il est important de le mettre sur la table et de ne pas l’écarter d'emblée.

Comme il convient à un ouvrage d'une telle portée, Piketty conclut son ouvrage par un essai sur la méthode à utiliser en science économique. Il considère l'économie comme une science sociale (où l'accent est mis sur le "social") qui ne peut s'épanouir que si (i) elle pose des questions importantes, et non triviales (adieu Freakonomics et les randomistas), et si (ii) elle utilise des méthodes empiriques et historiques plutôt que des modèles stériles. Ces questions ont été débattues ad nauseam par les économistes et Piketty n'a rien de nouveau à y apporter, si ce n'est peut-être de façon très importante : il montre dans ses propres travaux comment ces deux desiderata devraient être combinés pour créer des ouvrages économiques d'une importance durable.

Conclusion

Le Capital au XXIe siècle est un ouvrage d'une portée et d'une vision immenses. Il est résolument classique dans son approche, mais ce classicisme repose sur des données incomparablement meilleures et plus riches que jamais. C'est un ouvrage très bien écrit, érudit sans être lourd, d'une prose limpide où, en 950 pages, je ne crois pas avoir rencontré plus d'une demi-douzaine de phrases que jr n’ai pas pu comprendre ou que j'ai dû relire. Il s'adresse principalement aux économistes, mais aussi au lecteur cultivé qui "ne s'enfuit pas aussitôt qu'il voit un chiffre". Piketty use de l'ironie avec finesse, en particulier dans ses notes de bas de page, où il n'épargne ni personnalités politiques influentes, ni économistes célèbres. (Cela m'a parfois rappelé l’usage ingénieux des notes de bas de page par Gibbon.) 

Thomas Piketty a fourni un cadre nouveau et extraordinairement riche qui nous permet de considérer la récente hausse des inégalités non pas comme un phénomène isolé et de débattre sans cesse des avantages et inconvénients respectifs du progrès technologique biaisé en faveur des qualifications et du commerce international, mais de voir la montée des inégalités comme un élément de la nature changeante du capitalisme moderne.

Je conclurais, comme je l'ai commencé, avec une observation personnelle. À la lecture du livre de Piketty, il est effectivement difficile de réfléchir à propos d’autre chose : il nous absorbe totalement. C'est peut-être le meilleur compliment que l'auteur d'un ouvrage économique de près de mille pages puisse espérer recevoir. N'emportez pas ce livre en vacances : cela le gâcherait. Lisez-le chez vous. »

Branko Milanovic, « The return of “patrimonial capitalism”: review of Thomas Piketty’s Capital in the 21st century », décembre 2013. Traduit par Martin Anota 

 

Aller plus loin...

« Le retour du capital »

« Les hauts revenus dans le monde et dans l’histoire »

mardi 3 décembre 2013

Politique et technologie

« Dans notre dernier billet, nous avons discuté de la manière par laquelle la politique gouvernementale peut changer la direction du progrès technique et nous avons précisé certaines répercussions de la croissance économique sur l’environnement. Mais le fait que le gouvernement puisse le faire ne signifie pas qu'il le ferra nécessairement. Qu’il le fasse ou non, cela dépend de la politique (politics). C'est un cas particulier de l'interaction plus générale entre la politique et la technologie, un sujet qui est malheureusement assez ignoré. 

mardi 26 novembre 2013

Le progrès technique tend-il naturellement à préserver l'environnement ?

« Dans notre précédent billet, nous avons discuté de certains éléments empiriques suggérant que la technologie est endogène et qu’elle répond aux pénuries et aux prix. De nombreux économistes ont cherché à modéliser ce type d’endogénéité de la technologie et la façon par laquelle elle répond aux prix. Rappelez-vous ce qu’a dit le grand économiste John Hicks, que nous avons cité dans notre précédent billet, sur la façon par laquelle la hausse du prix d'un facteur aura tendance à entraîner des avancées technologiques permettant d’économiser ce facteur. 

mercredi 20 novembre 2013

La technologie endogène est-elle conservatrice ?

« Dans notre précédent billet, nous avons passé en revue les bases du débat entre Paul Ehrlich et Julian Simon quant à savoir si la croissance économique conduirait à l’épuisement des ressources naturelles à grande échelle et à des catastrophes démographiques. Dans son ouvrage The Bet: Paul Ehrlich, Julian Simon and Our Gamble over Earth’s Future, Paul Sabin remet ce débat et ce fameux pari dans leur contexte et fournit des détails historiques intéressants et utiles. Sabin privilégie également l’interprétation de ce débat selon laquelle Paul Ehrlich serait le progressiste, exprimant des inquiétudes de gauche quant à la croissance économique, et Julian Simon le conservateur souscrivant à une vision techno-optimiste. 

mardi 19 novembre 2013

Ehrlich, Simon et la technologie

« Le nouveau livre de Paul Sabin, The Bet: Paul Ehrlich, Julian Simon and Our Gamble over Earth’s Future, revient sur le célèbre pari entre Ehrlich et Simon. Au fil des ans, de nombreux chercheurs et commentateurs ont fait état publiquement, et parfois très bruyamment, de leurs craintes quant à la capacité de notre planète à soutenir notre mode de vie. L'un des plus originaux était l’écologiste Paul Ehrlich, qui avait prédit à plusieurs reprises au cours des années 1960 et 1970 des pénuries généralisées de ressources et en conséquence une multiplication des catastrophes démographiques. Il est devenu plus qu’un intellectuel public, presque une marque connue de tous.

lundi 14 octobre 2013

Fama, Hansen et Shiller : un Nobel pour l’analyse empirique des prix d’actifs


« Il est impossible de prédire si le prix des actions et des obligations va augmenter ou baisser au cours des prochains jours ou des prochaines semaines. Mais il est tout à fait possible d'anticiper l'évolution générale des prix de ces actifs sur des périodes plus longues, par exemple les trois à cinq prochaines années. Ces constats, qui peuvent paraître à la fois surprenants et contradictoires, ont été établis et analysés par Eugene Fama, Lars Peter Hansen et Robert Shiller, les lauréats du prix de la Banque de Suède en sciences économiques en mémoire d’Alfred Nobel de cette année.

dimanche 15 septembre 2013

L’incertitude politique explique-t-elle la faible croissance de la zone euro ?

« L’idée que l’incertitude entourant la politique économique est la principale raison expliquant pourquoi les économies avancées et l’Europe en particulier ne parviennent pas à renouer avec une croissance soutenue ne va pas mourir de sitôt. Marco Buti et Pier Carlo Padoan, dans un article publié sur le site VoxEU, renouent avec cette thèse lorsqu’ils entendent expliquer pourquoi la reprise est si lente en Europe.  

lundi 2 septembre 2013

La Grande Divergence

« Il y a quelques siècles, il aurait été difficile de distinguer l'Europe du reste du monde, du moins sur le plan économique. En effet, l’Europe pouvait même être considérée il y a un demi-millénaire comme en retard. Les trois inventions qui, pour reprendre les mots de Karl Marx, "ont ouvert la voie à la société bourgeoise " n'ont pas été inventées en Europe. La poudre à canon, la boussole et l'imprimerie ont probablement toutes été inventées en Chine. 

Mais au dix-neuvième siècle, les choses ont assez différentes. L’Europe de l'Ouest et certaines régions de l'Amérique du Nord étaient alors devenues fabuleusement riches, tandis que pratiquement tout le reste du monde était resté horriblement pauvre. Les historiens économiques ont qualifié cela de "Grande Divergence" (Great Divergence). 

mardi 23 juillet 2013

La borne inférieure zéro et la flexibilité des prix

«  […]

Q : Je comprends pourquoi les taux d’intérêt ne peuvent pas aller en dessous de zéro. Mais pourquoi est-ce si grave ?

jeudi 18 juillet 2013

L’erreur fondamentale de la zone euro

« C'était vraiment prévisible. Enlevez la capacité de contrôler les taux d'intérêt nationaux et vous rendez possible une divergence des dynamiques de demande, une divergence qui entraîne des déséquilibres en termes compétitivité qui vous devrez douloureusement corriger par la suite. La bonne nouvelle était que vous pouviez utiliser la politique budgétaire contra-cyclique pour modérer ces déséquilibres - une idée largement acceptée en macroéconomie. Mais ce n'était pas ce que les architectes de l'euro voulaient entendre. 

vendredi 5 juillet 2013

Pourquoi l’histoire économique est essentielle à la science économique

« La beauté d'Internet est que parfois vous tomber sur des papiers comme celui-ci que vous auriez sinon manqué (merci Greg Mankiw !). Comme vous devez vous y attendre, je suis d'accord avec l’idée de Peter Temin selon laquelle l'histoire économique a un rôle fondamental à jouer dans l’enseignement de l’économie et le MIT en est un excellent exemple. (….) Plusieurs superstars qui ont émergé de ce département ont une sensibilité historique qui a fait d’eux de meilleurs économistes. Obstfeld et Rogoff sont surtout connus pour leurs travaux pionniers en macroéconomie économie ouverte, mais tous deux ont écrit des livres importants en histoire économique (Obstfeld avec Taylor et Rogoff avec Reinhart) et je ne pense pas que ce soit une coïncidence que la macroéconomie ouverte à la Obstfeld-Rogoff soit beaucoup plus ancrée dans le monde réel que certains équivalents en économie fermée. Paul Krugman affiche régulièrement son intérêt pour l'histoire et utilise ses connaissances historiques à bon escient […].

jeudi 27 juin 2013

Malédiction des ressources naturelles et institutions : soyons plus précis !

« Dans plusieurs billets publiés au cours des dernières semaines (ici, ici, ici, ici et ), nous avons affirmé que les preuves empiriques suggéraient qu'il y avait une "malédiction des ressources conditionnelle" dont l'existence dépendrait des institutions d'une société. Le taux de croissance économique des pays caractérisés par de mauvaises institutions diminue avec les ressources, alors que c’est l’inverse avec les pays ayant de bonnes institutions. 

mardi 25 juin 2013

Ressources naturelles et institutions politiques : le cas de l’Etat rentier

« Penchons-nous à nouveau sur les liens entre ressources naturelles et institutions. Dans un précédent billet, nous avons vu qu’il y avait débat quant à savoir si l’abondance en ressources naturelles sapait ou non la démocratie. L'autre débat qui a relié la question de l’abondance en ressources naturelles, en particulier le pétrole, à celle des institutions politiques, porte autour de la notion d’"État rentier" (rentier state).

mercredi 29 mai 2013

L’abondance en ressources naturelles nuit-elle à la démocratie ?

« La discussion sur la malédiction des ressources naturelles (natural resource curse) au Cameroun soulève la question de savoir si la richesse en ressources naturelles, en particulier l’abondance de pétrole, est susceptible d'influencer aussi bien l'économie que les institutions politiques. Les mécanismes que nous avons proposés pour la malédiction des ressources, sans surprise, opèrent à travers la politique (politics). Mais ils considèrent les institutions politiques comme données. 

jeudi 23 mai 2013

Les mécanismes de la malédiction des ressources

« Nous avons vu dans notre précédent billet que les données transnationales suggéraient que les pays dotés d'institutions faibles (caractérisées notamment par un manque d'équilibre des pouvoirs ou par des niveaux élevés de corruption) connaissent une contraction de leur activité lorsqu’ils découvrent les ressources naturelles. La question est alors de savoir pourquoi.

mardi 21 mai 2013

La malédiction des ressources naturelles : que nous enseignent les études empiriques ?

« Donc le pétrole a été une malédiction pour le Cameroun

Est-il vrai que l’abondance des ressources naturelles en général ou du pétrole en particulier a un effet négatif sur la croissance économique ? Si c'est le cas, via quels mécanismes ? 

jeudi 16 mai 2013

Y a-t-il une malédiction des ressources naturelles ? Le cas du Cameroun

« Les ressources naturelles sont-elles vraiment une malédiction ? Avant de parler des régressions transnationales, commençons par une étude de cas qui semble illustrer exactement ce que les gens ont à l'esprit lorsqu’ils parlent de la malédiction des ressources (resource curse). Dans le récent ouvrage collectif Plundered Nations? Successes and Failures in Natural Resource Extraction dirigé par Paul Collier et Anthony Venables, se trouve un chapitre très intéressant, rédigé par Bernard Gauthier et Albert Zeufack appelé “Governance and Oil Revenues in Cameroon”. Il n'y a pas de meilleur endroit pour commencer à étudier la malédiction des ressources. 

lundi 13 mai 2013

Voyage temporel en zone euro

« […] Le président de l'Eurogroupe, Jeroen Dijsselbloem, au cours d’une interview donnée à CNBC, a dénié que la politique budgétaire et la politique monétaire puissent jouer un rôle pour résoudre la crise économique : "La politique monétaire ne peut vraiment pas nous aider à sortir de la crise. Elle peut relâcher la pression, assouplir une nouvelle croissance, mais ce dont nous avons vraiment besoin dans tous les pays, ce sont avant tout des réformes structurelles. (…) Dans le policy mix formé par la politique budgétaire, la politique monétaire et les réformes structurelles, je voudrais que l’ordre des priorités soit exactement l'inverse : les réformes structurelles en premier lieu, la politique budgétaire et des cibles viables à moyen terme pour toutes les régions en deuxième lieu. La politique monétaire ne peut quant à elle que seulement assouplir les problèmes économiques nationaux à court terme." 

mardi 9 avril 2013

Quand l’excès d’épargne mondial rencontre la Grande Récession

« Kenneth Rogoff a écrit un article très intéressant sur le mystère entourant la faiblesse des taux d'intérêt. Il commence par remonter à 2005, lorsque Ben Bernanke rendait l’"excès d'épargne mondial" (global saving glut) responsable des taux d'intérêt réels exceptionnellement bas (par rapport aux normes historiques) dans l'économie mondiale. Son commentaire était une réaction à l'hypothèse classique selon laquelle les taux d'intérêt sont déterminés par les banques centrales. Ken Rogoff […] "partage l'instinct de Bernanke selon lequel les banques centrales décident des taux d'intérêt de très court terme, mais n'ont pratiquement aucune influence sur les taux réels (corrigés de l'inflation) de long terme, outre un modeste effet via les politiques de gestion de portefeuille (par exemple, l’assouplissement quantitatif)." 

lundi 4 mars 2013

Pourquoi les politiciens ignorent-ils les économistes à propos de l'austérité ?

« J'ai déjà écrit à propos de la politique budgétaire aux Pays-Bas. Je l'ai fait en partie parce que ce pays a une forte tradition macroéconomique et que je considère depuis longtemps son conseil budgétaire (le Bureau Central du Plan) comme un véritable modèle pour l’introduction de bonnes analyses et données économiques dans le débat politique. C'est donc le signe que quelque chose ne tourne pas vraiment pas rond lorsque le consensus politique suit la ligne de l'austérité. 

dimanche 24 février 2013

La dépression de l'euro

« Alors que nous attendons les résultats des élections italiennes, l'Europe se dirige vers une nouvelle période d'incertitude. Les gouvernements des pays clés (Italie, Espagne, Grèce, France, etc.) n'ont aucun soutien pour poursuivre sur la voie qu’ils ont suivie jusqu'à présent, mais il n'existe toujours pas de véritable alternative et demeure un fort sentiment de complaisance : nous allons poursuivre les mêmes politiques que nous avons menées jusqu’ici. 

Une union monétaire sans union budgétaire est-elle vouée à l’échec ?

« Cela semble être une idée très répandue en ce moment. Le point de vue selon lequel la zone euro devrait aller vers l'union budgétaire (ce qui implique par ailleurs une certaine forme d'union politique) vient de deux directions : 

lundi 21 janvier 2013

Comment nous en sommes arrivés là... Une brève histoire de la macroéconomie

« En réponse à la Grande Dépression des années 1930, John Maynard Keynes a développé l'idée révolutionnaire selon laquelle, des actions individuellement bénéfiques pourraient générer des résultats indésirables si tout le monde les réalise en même temps. Irving Fisher a quant à lui expliqué comment les niveaux élevés d'endettement rendent les économies vulnérables aux spirales de déflation et de défaut. Simon Kuznets n’a pas développé de nouvelles théories, mais il a joué un rôle clé dans la création des comptes nationaux. Avant lui, les décideurs, les investisseurs et les citoyens avaient peu de moyens pour savoir si l'économie était en contraction ou en expansion. Roosevelt avait dû s'appuyer sur des indicateurs tels que le prix de la fonte ou le volume de trafic des wagons de marchandises et non sur le produit intérieur brut. 

vendredi 4 janvier 2013

Les grandes questions en macroéconomie : le multiplicateur budgétaire

« Le plus gros problème théorique en macroéconomie est "ce qui provoque le chômage". Comme j’en ai discuté dans mon précédent billet, la réponse néoclassique (selon laquelle le chômage est causé par des problèmes sur le marché du travail) ne peut expliquer l’apparition simultanée d'un chômage élevé dans de nombreux pays. En effet, le chômage est un problème macroéconomique.

jeudi 3 janvier 2013

Les erreurs de prévision de croissance et les multiplicateurs budgétaires

« Avec plusieurs économistes en mode consolidation budgétaire, il y a eu un intense débat sur la taille des multiplicateurs budgétaires. Parallèlement, l'activité s’est révélée décevante dans plusieurs pays ayant pris des mesures d’austérité. Il est alors naturel de se demander si les prévisionnistes n’auraient pas sous-estimé les multiplicateurs budgétaires, c'est-à-dire les effets que la réduction des dépenses publiques ou les hausses d'impôts peuvent avoir à court terme sur l'activité économique. 

Les grands problèmes en macroéconomie : le chômage

« Pour poursuivre le propos de mon billet précédent, j’aimerais me pencher sur les principaux points de désaccord en macroéconomie. (…) Je vais développer l’idée que les économistes (orthodoxes) sont si divisés sur ces questions que toute idée de consensus (…) est une absurdité. Le fait que, malgré ces profonds désaccords, de nombreux spécialistes en macroéconomie ne voient aucun problème est, lui-même, une partie du problème.

mardi 1 janvier 2013

Y a-t-il un consensus en macroéconomie ?

« Quand les bloggeurs d’économie ne débâtent pas sur les cyborgs, ils passent une bonne partie de leur temps à parler de l'état de la macroéconomie (orthodoxe) (1), notamment de l'analyse de l'emploi et du chômage au niveau agrégé, de l'inflation et de la croissance économique. Noah Smith a déjà fait un résumé de ce qui a été dit, que je ne vais pas récapituler. Au lieu de cela, je vais vous donner mon point de vue sur certaines questions qui ont été soulevées (…) Y a-t-il un consensus ? (2) S’il n’y en a pas, quels sont les principaux points de désaccord ? Qu’est-ce que la macroéconomie a réalisé au cours des quarante dernières années ? Où devons-nous ensuite aller ? Je parlerai aujourd’hui de la première question, puis reviendrais plus tard sur les autres.