« Les inégalités de revenus persistent, affectant l'emploi, l'éducation et le patrimoine dans la mobilité intergénérationnelle.
Il est essentiel de comprendre les facteurs qui déterminent la mobilité économique pour concevoir des politiques qui promeuvent l'égalité des chances et réduisent les inégalités de revenus. Dans notre récente étude, nous mettons en évidence des différences significatives dans les facteurs qui déterminent la transmission intergénérationnelle des revenus, selon que les enfants ont grandi dans des familles à revenus faibles, moyens ou élevés.
La recherche est basée sur des données provenant du Danemark, couvrant plus de 600.000 enfants et leurs parents. Cet ensemble de données inclut des informations détaillées sur les revenus des parents et des enfants, ainsi que sur l'emploi et les résultats scolaires des enfants.
L'étude aboutit à une conclusion claire : malgré le fait que les initiatives sociales du Danemark soient fortement axées sur les opportunités d'éducation et d'emploi, les différences en termes d'éducation, d'emploi et d'accumulation de patrimoine jouent un rôle significatif dans la transmission intergénérationnelle du revenu. Les schémas diffèrent néanmoins considérablement selon les groupes de revenus.
Parmi les familles à faible revenu, le principal facteur de persistance intergénérationnelle du revenu tient aux différences dans l’emploi des enfants une fois adultes. Approximativement 81 % du lien entre le revenu des parents et celui des enfants peuvent être attribués à des différences en matière d'emploi, tandis que seulement 10 % s'expliquent par des différences en matière de niveau scolaire. Les 9 % restants ne sont expliqués ni par l'éducation, ni par l'emploi.
Pour les enfants issus de familles à revenu moyen, l’éducation joue un rôle plus important que pour les familles à faible revenu. Ici, 24 % de la relation de revenu intergénérationnelle peut s’expliquer par des différences de niveau d’éducation, tandis que les différences en termes d’emploi contribuent à hauteur de 45 % de la relation, une plus faible part que pour les familles à faible revenu.
Parmi les familles à haut revenu, l’éducation est le facteur le plus important : il explique 49 % de la relation de revenu intergénérationnelle. Chose intéressante, les différences en termes d'emploi ne jouent aucun rôle dans ce groupe, alors que 51 % de la relation ne peut pas être expliquée uniquement par l'éducation ou l'emploi.
Pour les familles les plus riches, le revenu est principalement gagné du capital plutôt que des salaires. Pour les enfants appartenant aux 5 % des familles les plus riches, 83 % du lien entre le revenu des parents et celui des enfants est attribuable aux rendements du patrimoine, tels que les revenus du capital.
L’étude met également en lumière la manière par laquelle la redistribution publique affecte les inégalités de revenus intergénérationnelles. Quand les revenus de transferts publics (par exemple, les allocations-chômage, les aides sociales et l’assurance-invalidité) sont inclus dans l'analyse, la force du lien entre le revenu des parents et celui des enfants s'affaiblit significativement. Avant de prendre en compte les transferts publics, les différences en matière d'emploi et d'éducation des enfants expliquent respectivement 18 % et 5 % des inégalités transmises entre les générations. Une fois les transferts inclus, ces chiffres tombent respectivement à 5 % et 4 %.
Ces constats suggèrent que les obstacles à la mobilité sociale diffèrent selon le contexte familial. Pour les enfants issus de familles à faible revenu, le principal défi consiste à sécuriser un emploi, ce qui souligne l’importance de surmonter les barrières à l’entrée sur le marché du travail. Pour les enfants issus de familles à revenus moyens, l’éducation est le principal moteur de la mobilité sociale. Pour les enfants issus de familles à revenus très élevés, l’accumulation de patrimoine, souvent initiée très tôt par le biais de legs et de donations, est le mécanisme dominant.
Finalement, l'étude montre que même si le système de protection sociale danois réduit les inégalités de revenu, des différences persistantes dans trois facteurs clés, en l’occurrence l'emploi, l'éducation et l'accumulation de patrimoine, continuent de façonner la transmission intergénérationnelle des revenus à travers les strates sociales. Ces constats ont d’importantes implications pour la politique économique, suggérant que des interventions adaptées sont nécessaires pour surmonter les obstacles spécifiques auxquels sont confrontés les différents groupes de revenus. »
Anders Hjorth-Trolle & Rasmus Landersø, « The different sources of intergenerational income mobility in high and low income families », IZA, Commentary, 10 décembre 2024. Traduit par Martin Anota
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