« Le populisme d'extrême-droite dissuade l'immigration qualifiée, favorise la fuite des cerveaux et alimente le déclin économique, ce qui crée un cercle vicieux où s’auto-alimentent stagnation et xénophobie.
Notre récente étude met en évidence l'impact significatif et préoccupant du vote d'extrême-droite et des idéologies populistes sur les tendances observées dans les flux migratoires. En utilisant des données provenant de 55 pays et de 628 élections couvrant la période allant de 1960 à 2018, nos conclusions révèlent que le vote d'extrême-droite dissuade de façon disproportionnée les immigrés très qualifiés. Par exemple, une hausse de 10 points de pourcentage de la part de suffrages recueillis par l’extrême-droite entraîne une baisse de 27 % de l'immigration très qualifié qualifiée et de 16 % de l'immigration peu qualifiée. Ces tendances montrent comment les sentiments nationalistes et anti-immigration créent un environnement hostile, dissuadant particulièrement les travailleurs très qualifiés qui privilégient la stabilité institutionnelle et l'ouverture culturelle.
Du côté de l'émigration, notre analyse révèle un clair effet de "fuite des cerveaux" (brain drain). La montée du populisme accélère l’exode des nationaux hautement qualifiés, tout en ayant peu ou pas d’impact sur l’émigration des personnes peu qualifiées. Plus précisément, le populisme d’extrême-droite entraîne une hausse de l’émigration des personnes très qualifiées, car les individus diplômés et connectés au monde entier rejettent les idéologies nationalistes et cherchent des opportunités à l’étranger. Cet exode prive les pays des talents essentiels nécessaires à l’innovation, à la gouvernance et à la démocratie, épuisant davantage encore le stock national de capital humain.
Surtout, ces effets ne sont pas seulement le résultat de politiques d’immigration plus strictes mises en œuvre par des gouvernements d’extrême-droite. Si ces politiques jouent un rôle, leur impact est secondaire par rapport au climat politique plus large façonné par la rhétorique populiste. Les discours anti-immigrés et le nationalisme basé sur l’identité nourrissent une atmosphère hostile, ce qui décourage les immigrés hautement qualifiés et pousse les autochtones diplômés à partir.
Pour mieux comprendre ces tendances, nous avons exploré les racines historiques du populisme et la manière par laquelle elles interagissent avec les crises économiques que nous connaissances actuellement. En examinant les tendances électorales passées pour les partis d’extrême-droite (de 1900 à 1950) et les effets des crises économiques, nous avons identifié comment les héritages culturels et politiques de longue date, combinés aux problèmes modernes, soutiennent les mouvements populistes et façonnent les tendances migratoires.
Nos constats révèlent un cercle vicieux. Le populisme d’extrême-droite réduit l’afflux d’immigrés très qualifiés, essentiels pour les progrès économiques et sociaux, tout en faisant fuir les autochtones diplômés, épuisant encore davantage le vivier de talents d’un pays. Cette perte de compétences exacerbe la stagnation économique, ce qui renforce à son tour les craintes populistes et la rhétorique anti-immigrés. Le résultat est un schéma de migration qui favorise les travailleurs peu qualifiés par rapport aux travailleurs très qualifiés, ce qui valide encore plus les revendications populistes, perpétuant la xénophobie et sapant la croissance économique.
Ce cycle pose une menace importante aux démocraties libérales. Sur le plan politique, il enracine les idéologies d’exclusion et affaiblit les fondements d’institutions ouvertes et inclusives. Au niveau économique, il étouffe l’innovation et la croissance à long terme en diminuant la qualité de la gouvernance et de la main-d’œuvre. Pour briser ce cycle, il faut des politiques qui rétablissent la confiance dans la mondialisation, remettent en question les discours nationalistes et créent un environnement accueillant pour les immigrés qualifiés que pour le talent autochtone. »
Frédéric Docquier & Chrysovalantis Vasilakis, « The vicious cycle of populism and migration: How far-right ideologies undermine human capital », IZA, Commentary, 17 décembre 2024. Traduit par Martin Anota
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