jeudi 13 février 2025

Introduction à la géoéconomie

« Nous assistons à une transformation majeure de l’ordre politique et économique international, avec l’affaiblissement de l’hégémonie américaine, l’émergence de nouvelles puissances en Asie et de nouvelles guerres, comme l’invasion de l’Ukraine par la Russie. Ces évolutions soulèvent des questions difficiles pour la science économique. Qu’est-ce que la montée des tensions géopolitiques implique pour la croissance économique, les investissements ou l’inflation ? L’essor de la Chine va-t-il entraîner une plus grande intégration économique ou plutôt une fragmentation de la finance et du commerce mondiaux en blocs concurrents ? Quels sont les coûts économiques de la rivalité entre grandes puissances, du réarmement et de la guerre ? Et quels sont les facteurs et les conséquences de l’utilisation d’"armes économiques" telles que les sanctions et les embargos ? Cet article passe en revue le champ de recherche en croissance rapide qui évoque ces questions et d’autres questions connexes.

L’un des objectifs centraux de cette revue de presse est de décrire ce qu’est la "géoéconomie" (geoeconomics), à la fois en tant que concept et en tant que domaine de recherche. Nous adoptons une vision large et définissons la géoéconomie comme l’étude des liens entre la géopolitique et l’économie. Nous définissons ensuite ce que nous considérons comme les principaux sous-domaines du domaine plus vaste de la géoéconomie. Nous commençons par les outils de politique géoéconomique, comme les sanctions, étant donné que la plupart des recherches de ces dernières années se sont focalisées sur ce domaine. Nous passons ensuite en revue la littérature reliant (i) la géopolitique et le commerce international, et (ii) la géopolitique et la finance internationale. Un autre corps de travaux examine les risques géopolitiques et leurs retombées sur l’économie nationale. Enfin, nous couvrons la littérature économique sur la sécurité et la guerre, en particulier le débat sur le commerce international et la guerre, aussi bien que les études sur les coûts économiques de la guerre, le financement de la guerre et l’approvisionnement militaire. Chacun de ces sous-champs relie étroitement la science économique aux questions de rivalité de puissance et de sécurité.

Il est difficile de passer en revue un domaine de recherche qui commence seulement à émerger et à se consolider. Nous relevons ce défi en zoomant sur les articles récents qui ont été particulièrement cités et/ou qui ont été présentés lors de conférences nouvellement créées sur le sujet, en particulier la conférence annuelle de géoéconomie Kiel-CEPR (lancée en 2022) et la session du NBER Sumer Institute sur l’économie internationale et la géopolitique (lancée en 2024). Des exemples de ces travaux incluent Broner, Martin, Meyer et Trebesch [2024], Caldara et Iacoviello [2022], Clayton, Maggiori et Schreger [2023, 2024], Eichengreen, Mehl et Chitu [2018], Federle et al. [2024], Horn, Reinhart et Trebesch [2021, 2024], Itskhoki et Mukhin [2022], Kleinman, Liu et Redding [2024], Liu et Yang [2024], Mayer, Mejean et Thoenig [2024], Pflueger et Yared [2024] ou Thoenig [2024]. En outre, nous nous référons souvent à des ouvrages plus anciens sur le sujet, notamment ceux réalisés durant l'entre-deux-guerres ou la guerre froide.

Les travaux que nous couvrons s’appuient sur une longue histoire de la pensée. Par le passé, plusieurs penseurs ont passé leur vie à étudier la guerre économique, la politique de l’interdépendance économique ou les causes et conséquences des chocs géopolitiques. C’est également vrai pour les spécialistes de l’économie.

Des économistes majeurs comme John Hicks, Albert Hirschmann, Leonid Kantorovich, John Maynard Keynes, Wassily Leontief, Joan Robinson, Thomas Schelling ou John von Neumann ont tous apporté d’importantes contributions à ce que nous appellerions aujourd’hui la géoéconomie. Entre les années 1920 et les années 1970, ils ont étudié les questions de coercition économique, de dissuasion optimale, de financement de la guerre, de course aux armements ou de goulets d’étranglement critiques dans les chaînes de valeur et la production industrielle (voir les aperçus dans Bollard [2020, 2023] et Guglielmo [2008]). Leurs contributions sur ces sujets ont souvent été oubliées, éclipsées par les travaux plus célèbres sur les questions de temps de paix. Mais étant donné le monde qui nous entoure aujourd’hui, il est temps de déterrer leurs idées.

Nous soulignons aussi que la géoéconomie est par définition interdisciplinaire. Jusqu’à présent, les économistes travaillant sur des questions liées à la géopolitique sont souvent restés cloisonnés dans leurs domaines de recherche respectifs, que ce soit le commerce international, l’économie politique, la finance, l’histoire économique, l’économie de la défense ou le développement. Le nouveau domaine de la géoéconomie a donc le potentiel de constituer un pont entre diverses disciplines et domaines de spécialisation, en combinant un large éventail de théories, de méthodes et de données.

Étant donné la vaste portée de la géoéconomie, cette revue de la littérature est loin d’être complète. Il y a de nombreux articles et livres pertinents, anciens et nouveaux, que nous n’avons pas pu couvrir dans ces quelques pages, notamment d’excellents travaux d’autres disciplines. Nous avons choisi de nous focaliser sur les importantes contributions en science économique, tout en reconnaissant qu’il y a une abondante littérature influente en science politique et en relations internationales sur les questions géoéconomiques, par exemple sur la façon dont la mondialisation est "armée" (weaponized) (voir par exemple Luttwak [1990], Blackwill et Harris [2016], Farrell et Newman [2019], Drezner et al. [2021]).

Nous avons écrit cette revue de la littérature en ayant en tête un public précis, ceux qui s’intéressent à l’étude des questions géoéconomiques, en particulier les étudiants et les jeunes chercheurs. La plupart des économistes d’aujourd’hui (y compris nous-mêmes) n’ont qu’une formation ou une expertise limitée sur les questions de sécurité, de guerre ou de tensions politiques internationales. Mais compte tenu des préoccupations croissantes en matière de sécurité, cela est susceptible de changer, tout comme cela s’est produit durant les décennies turbulentes du vingtième siècle, lorsqu’une génération d’économistes s’est tournée vers ces questions. À l’avenir, nous nous attendons donc à ce que le domaine de la géoéconomie se développe considérablement et cet article tente de donner un sens à cela. […]

Qu’est-ce que la géoéconomie ?

Nous définissons la géoéconomie comme le domaine d’étude qui examine les liens entre la géopolitique et la science économique. La géopolitique, quant à elle, peut être comprise dans le contexte de la rivalité des puissances internationales, avec une définition classique étant "l’étude des rivalités pour le pouvoir ou l’influence sur les territoires et les populations qui les habitent" [Lacoste, 2006]. La géoéconomie s’intéresse donc à la façon par laquelle la rivalité politique internationale (notamment la guerre) façonne les politiques et événements économiques, et vice versa.

Notre définition est similaire à celle de Thoenig [2024], qui définit la géoéconomie comme "l’étude de l’interaction entre le commerce international, la diplomatie et la géopolitique". Elle ressemble aussi à la définition de la géoéconomie de Chatam House "comme l’interaction de l’économie internationale, de la géopolitique et de la stratégie" [Schneider-Petsinger, 2020].

Notre définition est plus large que celle de Clayton, Maggiori et Schreger [2023], qui définissent la géoéconomie comme une stratégie avec laquelle "les gouvernements utilisent la force économique de leur pays des relations financières et commerciales existantes pour atteindre des objectifs géopolitiques et économiques". Leur cadre se focalise principalement sur le pouvoir économique et la guerre économique, tandis que le nôtre s’étend aussi aux questions de la guerre réelle, notamment le financement militaire, la production d’armes ou les causes et conséquences économiques des guerres. Notre définition est également plus large que celle de Blackwill et Harris [2016], qui définissent la géoéconomie comme "l’utilisation d’instruments économiques pour promouvoir et défendre des intérêts nationaux" et "faire progresser des objectifs géopolitiques". Ils se concentrent principalement sur les outils de politique géoéconomique tels que les sanctions, que nous considérons comme un sous-domaine très important, mais pas le seul, de la géoéconomie. En fait, leur définition est similaire à ce que les politistes appelaient "l’art de gouverner économique" (economic statecraft), que l’ouvrage classique de Baldwin (1985) définit comme "l’utilisation de moyens économiques pour atteindre des objectifs de politique étrangère". Nous ne voyons pas simplement la géoéconomie comme une réincarnation du vieux concept d’art de gouverner économique, mais plutôt comme un nouveau domaine plus vaste qui combine les questions de géopolitique et de guerre avec les questions d’économie internationale.

Dans une perspective plus large, la géoéconomie est un sous-champ émergent de l’économie politique. Alors que l’économie politique étudie la relation entre la politique et les conséquences économiques en général, la géoéconomie se focalise principalement sur la dimension internationale. En fait, de nombreuses études géoéconomiques se focalisent sur la façon par laquelle les échanges économiques internationaux interagissent avec la politique internationale, en particulier avec les risques de conflits et l’équilibre mondial du pouvoir. Les sous-questions cruciales dans le domaine de la géoéconomie incluent la façon dont les considérations géopolitiques influencent l’élaboration des politiques économiques et comment les risques géopolitiques internationaux affectent l’économie domestique aussi bien que le commerce transfrontalier de biens et d’actifs.

Le concept de "risque géopolitique" (geopolitical risk) a été défini par Caldara et Iacoviello [2022] comme "la menace, la réalisation et l'escalade d'événements adverses associés aux guerres, au terrorisme et à toute tension entre États et acteurs politiques qui affectent le cours pacifique des relations internationales". Le risque géopolitique capture ainsi les chocs potentiels et effectifs sur les relations militaires et diplomatiques entre les pays.

Un autre concept fréquemment utilisé dans cette littérature est celui de "grandes puissances" (great powers), que les politistes et les historiens ont défini comme des pays qui étendent leur influence bien au-delà de leurs propres frontières, que ce soit par le biais de l'armée, du commerce international ou de la finance (par exemple, Kennedy [1987]). Dans ce champ de recherche, la liste des grandes puissances depuis 1800 inclut généralement l'Autriche-Hongrie, la Chine, la France, la Grande-Bretagne, la Prusse/Allemagne, la Russie, l'Italie, le Japon et les États-Unis (voir par exemple Waltz [1979]).

En outre, il y a l’utilisation croissante du terme de "fragmentation géoéconomique" (geoeconomic fragmentation), qu'Aiyar et al. [2023] définissent comme "un renversement de l’intégration économique mondiale impulsé par la politique, souvent guidé par des considérations stratégiques". La fragmentation géoéconomique peut ainsi être comprise comme une forme de désintégration stratégique liée à des motifs géopolitiques.

Les outils de politique géoéconomique

Les pays peuvent employer une grande variété d’outils de politique économique pour progresser dans leurs objectifs géopolitiques. Alors que certains de ces instruments sont ouvertement étiquetés comme géopolitiques et largement considérés comme tels, le lien avec les objectifs géopolitiques est moins évident pour d’autres. Blackwill et Harris [2016] citent par exemple non seulement "la politique commerciale, la politique d’investissement, les sanctions économiques" comme outils de politique géopolitique, mais ajoutent aussi à cette liste "la cybersphère, l’aide, la politique monétaire et les politiques énergétiques et des matières premières". Ce qui est commun à tous ces instruments est que les États utilisent leur capacité économique pour atteindre des objectifs géopolitiques.

Dans le reste de cette section, nous introduisons les principaux outils et leur traitement dans la littérature sur la géoéconomie.

Les sanctions

Les sanctions sont l’outil de politique géoéconomique le plus connu et aussi le mieux compris, grâce à une littérature abondante et en croissance rapide (pour d’excellentes analyses, voir Bergeijk [2021], Felbermayr et al. [2021], Morgan et al. [2023]).

Les sanctions peuvent être définies comme des "mesures de politique économique restrictives qu’un ou plusieurs pays prennent pour limiter leurs relations avec un pays-cible afin de persuader ce dernier de changer ses politiques ou de remédier à de potentielles violations des normes et conventions internationales" [Morgan et al., 2023, p. 3]. Elles incluent les sanctions commerciales, les sanctions financières, les sanctions militaires, les sanctions sur l’armement et les sanctions sur les voyages.

L’idée d’utiliser des sanctions pour atteindre des objectifs géopolitiques peut être retracée à travers l’histoire et la géographie : l’Empire athénien a imposé des sanctions économiques à sa rivale Mégare au cinquième siècle avant J.-C., l’Empire byzantin a imposé un embargo commercial à l’Égypte et à la Syrie en 692, et Napoléon a mis un embargo sur l’Empire britannique [Juhász, 2018]. Au lendemain de la Première Guerre mondiale, l’usage des sanctions a considérablement augmenté ; une "arme économique" utilisée durant la guerre, mais qui est aussi considérée comme une alternative à la guerre, donc pouvant potentiellement dissuader les conflits futurs [Mulder, 2022].

S’appuyant sur les modèles classiques de sanctions [Kaempfer et Lowenberg, 1988 ; Eaton et Engers, 1992], la littérature théorique examine les coûts associés aux sanctions pour les pays qui les mettent en place et pour les pays ciblés et elle donne des conseils sur la manière de les mettre en œuvre efficacement [Souza et al., 2024 ; Johnson et al., 2024 ; Clayton et al., 2023 ; Sturm, 2024 ; Itskhoki et Ribakova, 2024].

La recherche empirique sur les sanctions a vraiment commencé avec les travaux fondateurs sur les effets des sanctions de Hufbauer, Schott et Elliott [1990]. Depuis lors, une abondante littérature a émergé à propos des déterminants et des effets des sanctions, étayée par de nouvelles données complètes sur les sanctions, telles que celles de la Global Sanctions Database de Felbermayr et al. [2020]. La vaste majorité des articles étudient les effets des sanctions sur le pays ciblé, en particulier les effets des sanctions commerciales [Felbermayr et al., 2020 ; Dai et al., 2021 ; Kohl, 2021], des sanctions financières [Cipriani et al., 2023 ; Drott et al., 2024], des sanctions sur les actifs des banques centrales [Krahnke et al., 2024], des sanctions intelligentes ciblant des entreprises ou des personnes [Ahn et Ludema, 2020 ; Draca et al., 2022 ; Nigmatulina, 2023] ou l'interaction de plusieurs types de sanctions [Bayer, 2024], avec des résultats globalement mitigés (pour une discussion, voir par exemple Kohl [2021]). Un courant de recherche plus récent considère aussi l’effet des sanctions sur le pays d’origine [Crozet et Hinz, 2020 ; Besedes et al., 2021), ainsi qu’à la manière par laquelle les pays tiers s’adaptent aux sanctions [Corsetti et al., 2024].

La littérature récente sur les sanctions utilise des données de plus en plus riches et granulaires, par exemple au niveau des entreprises ou des comptes bancaires (pour une analyse particulièrement complète des effets des sanctions en Russie, voir Egorov et al. [2024]). Les données granulaires permettent aussi d’évaluer de nouveaux types de "sanctions intelligentes" qui ciblaient des entreprises ou des personnes spécifiques [Ahn et Ludema, 2020 ; Draca et al., 2022 ; Nigmatulina, 2023]. Cette tendance vers des analyses au niveau microéconomique élargit notre compréhension des perdants et des gagnants des sanctions et elle facilite aussi l'identification des effets causaux.

En outre, il existe un nombre croissant de travaux sur les sanctions financières, par exemple [Cipriani et al., 2023 ; Drott et al., 2024 ; Krahnke et al., 2024], ainsi que sur le rôle des sanctions sur les marchés des changes et le taux de change, en partie motivés par les sanctions du G7 contre la Russie après février 2022. Itskhoki et Mukhin [2022], par exemple, montrent que l'impact sur le taux de change dépend du type de sanctions imposées, le gel des avoirs et les sanctions sur les exportations entraînant une dépréciation et les sanctions sur les importations entraînant au contraire une appréciation. Eichengreen et al. [2023] présentent des éléments empiriques cohérents avec cette théorie, non seulement pour la Russie d'aujourd'hui, mais aussi dans un contexte historique plus large. Les sanctions peuvent aussi affaiblir la position du dollar en tant que monnaie de réserve et de facturation commerciale, comme le montrent Berthou [2023], Bianchi et Sosa-Padilla [2023], Chupilkin et al. [2023], et McDowell [2023]. Cela renvoie à la littérature plus large sur l'hégémonie financière et la domination du dollar abordée plus loin (voir également Steil et Litan [2008]).

Les embargos et les blocus

Il y a un intérêt renouvelé pour l'économie des embargos et des blocus, à travers lesquels le pays à l’origine des sanctions interrompt complètement les échanges économiques avec la cible. Les embargos et les blocus peuvent être considérés comme une forme particulièrement drastique de sanctions qui se produisent principalement durant les guerres et les conflits armés et leurs effets économiques ont été étudiés par Irwin [2005], Etkes et Zimring [2015], Fetzer et al. [2024], Lambert [2012], Mulder [2022] et Juhász [2018], entre autres. La reprise de l’invasion de l’Ukraine par la Russie en 2022 a ramené les embargos au premier plan du débat public en Europe.

Dans le "grand débat allemand sur le gaz" de 2022, les économistes se sont focalisés sur le coût d’un embargo total sur les importations de gaz russe (pour une discussion, voir Moll, Schularick et Zachmann [2023]). Pour l’Allemagne, certains économistes ont prédit une baisse du PIB allant jusqu’à 12 % (par exemple Krebs [2022]), tandis que d’autres, en particulier Bachmann et al. [2022], ont souligné la puissance des effets de substitution et n’ont prédit qu’une légère récession. Finalement, les événements ont donné raison à Bachmann et al., puisque le PIB allemand n’a pratiquement pas diminué après que la Russie (et non l’Allemagne) ait imposé un embargo unilatéral sur le gaz.

Les droits de douane et les accords commerciaux

Les droits de douane et les accords commerciaux sont des instruments supplémentaires dans la boîte à outils géoéconomiques des gouvernements. Hufbauer et al. [1990] et Felbermayr et al. [2020] considèrent les tarifs douaniers comme une catégorie distincte des sanctions. C’est parce que les mesures classiques de politique commerciale telles que les droits de douane ou les mesures antidumping sont considérées comme principalement protectionnistes et ciblées sur des audiences locales, tandis que les sanctions visent principalement à punir les pays étrangers. Felbermayr et al. [2020] reconnaissent néanmoins qu’à une époque où les politiques commerciales sont de plus en plus "armées", la frontière entre les deux outils politiques devient de plus en plus floue.

La guerre commerciale entre les États-Unis et la Chine de la dernière décennie offre de nouvelles leçons sur l’utilisation (géo)politique des droits de douane (pour un aperçu, voir Fajgelbaum et Khandelwal [2022]). Fetzer et Schwarz [2020], par exemple, montrent que les droits de douane chinois visaient à nuire aux régions des Etats-Unis où Donald Trump a recueilli une part importante de votes, tandis que Fajgelbaum et al. [2019] montrent que les droits de douane américains sur les importations étaient plus élevés pour les produits fabriqués dans des comtés politiquement contestés aux États-Unis, suggérant un protectionnisme sur mesure.

Les considérations géopolitiques influencent aussi la conception des accords commerciaux [Eichengreen et al., 2021]. En même temps, il y a des preuves empiriques suggérant que les accords commerciaux renforcent l’alignement géopolitique entre les pays [Vicard, 2012].

Les contrôles des exportations et des investissements

Les contrôles des exportations donnent aux gouvernements le droit de limiter les exportations de certains biens ou de certaines technologies vers d’autres pays. Ces contrôles sont souvent motivés par des intérêts de sécurité nationale, mais on pense qu’ils ont aussi des effets secondaires négatifs sur l’innovation, la compétitivité, l’investissement et le commerce. Il y a peu de travaux se focalisant spécifiquement sur les contrôles des exportations, si bien que plusieurs questions restent ouvertes. Crosignani, Han, Macchiavelli et Silva [2024] montrent que les contrôles des exportations adoptés par les États-Unis ont réussi à perturber l’approvisionnement en biens des entreprises chinoises, mais au prix d’importants dommages collatéraux. Les entreprises touchées aux États-Unis ont perdu en recettes, en rentabilité et en capitalisation boursière, avec peu de preuves de relocalisations. D’un autre côté, les contrôles des exportations de terres rares imposés par la Chine ont conduit à l’innovation et à la croissance de la productivité à long terme dans les secteurs en aval à l’étranger [Alfaro et al., 2024].

Un outil connexe est le filtrage des investissements. Au cours de la dernière décennie, plusieurs pays ont mis en place des mécanismes pour surveiller et restreindre les investissements. Ces nouvelles politiques ont souvent été motivées par le nombre croissant d’acquisitions étrangères dans des secteurs critiques, en particulier par des entreprises contrôlées par l’État chinois. La littérature sur ce sujet reste limitée, mais des données récentes montrent que ces restrictions ont des effets négatifs sur les flux d’investissements entrants (par exemple, Eichenauer et Wang [2024]), ainsi que sur la probabilité d’acquisitions étrangères et la valeur actionnariale [Frattaroli, 2020].

Sabotage, espionnage et cyberattaques

Le sabotage est un outil géoéconomique particulièrement agressif. Il peut aller de formes purement économiques de sabotage, par exemple en ciblant des entreprises étrangères spécifiques via des sanctions qui réduisent leur productivité [Liu et al., 2024] à l’espionnage industriel [Glitz et Meyersson, 2020], en passant par le sabotage militaire, par exemple par la destruction d’infrastructures critiques, comme la destruction de North Stream 2, ou via des bombardements ciblés. Bien qu’il y ait des travaux sur les effets économiques des bombardements ciblés en temps de guerre (que nous examinons plus loin), les conséquences économiques et géopolitiques du sabotage au sens large ne sont pas encore comprises.

Les cyberattaques et le piratage informatique peuvent aussi être considérés comme un outil géoéconomique des États et des acteurs quasi-étatiques. Une littérature limitée, mais en développement, montre les importants dommages économiques de ces activités. Les entreprises exposées aux cyberattaques subissent une baisse de leurs rendements boursiers et de leurs profits [Jamilov et al., 2023]. Les cyberattaques peuvent aussi avoir d’importantes répercussions sur plusieurs secteurs [Jamilov et al., 2023] et même sur d’autres pays via les firmes multinationales [Crosignani et al., 2023].

L’aide étrangère

L’aide étrangère peut prendre plusieurs formes, comme l’aide humanitaire, les secours en cas de catastrophe, l’aide au développement, l’aide militaire, les subventions au crédit à l’exportation ou les subventions et les prêts. Contrairement aux sanctions, les États déclarent rarement leurs objectifs géopolitiques lorsqu’ils envoient de l’aide humanitaire à d’autres pays. Des analyses empiriques indiquent cependant que les considérations géopolitiques façonnent à la fois l’orientation et le calendrier des flux d’aides étrangères et de prêts [Alesina et Dollar, 2000 ; Kuziemko et Werker, 2006 ; Faye et Niehaus, 2012 ; Dreher et al., 2022]. Alors que l’aide étrangère peut aider les pays à atteindre leurs objectifs géopolitiques, elle peut aussi avoir des conséquences géopolitiques inattendues, comme une augmentation du risque de conflit dans les pays ciblés [Nunn et Qian, 2014].

Géopolitique et commerce international

Pouvoir et commerce internationaux – du mercantilisme à la coercition économique de Hirschman

Plusieurs penseurs influents, notamment Kautilya, Machiavel, Adam Smith, David Ricardo, John Stuart Mill et Susan Strange, ont étudié la relation entre le commerce international et le pouvoir. L’arbitrage central est resté le même à travers les âges : l’intégration économique peut renforcer le pouvoir national, mais il expose aussi un pays à de nouvelles dépendances et à de nouveaux risques.

Dans son livre séminal sur le pouvoir et le commerce international, Albert Hirschman (1945) propose une vaste histoire de la pensée économique sur le sujet. Il commence avec les idées mercantilistes selon lesquelles plus de richesse se traduit toujours par plus de pouvoir national, généralement au détriment des puissances rivales. Les principaux mercantilistes comme Jean-Baptiste Colbert au dix-septième siècle considéraient le commerce international comme un jeu à somme nulle et étaient donc favorables à une forte intervention gouvernementale pour éviter les déficits commerciaux et la dépendance. Au cours du dix-huitième siècle, cette vision du monde mercantiliste a cédé la place à l’école de pensée libérale, menée par Adam Smith et Hume, qui mettait l’accent sur les larges gains à l’échange, aussi bien économiques que politique. Hirschman [1945] souligne que, malgré la montée du libéralisme, certaines idées clés du mercantilisme ont refait surface encore et encore, en particulier en périodes de bouleversements géopolitiques.

L’une des idées mercantilistes récurrentes est que des pays plus grands, militairement plus forts ou plus compétitifs peuvent extraire des gains à l’échange de puissances comparativement plus faibles. Des penseurs de la fin du dix-neuvième siècle comme Sering ont souligné qu’"il existe entre les économies nationales des relations d’exploitation et de soumission" [Sering, 1900]. C’est cohérent avec Findlay et O’Rourke [2007], qui offrent un large compte rendu historique de telles dépendances et de la lutte pour les ressources et les rentes commerciales durant les mille dernières années.

L’ouvrage de Hirschman paru en 1945, sous dans le contexte des agressions étrangères menées par l’Allemagne nazie, est centré sur cette vision. Il offre une analyse approfondie des mécanismes de coercition économique internationale et d’extraction de rentes, en particulier par la menace de perturber les relations commerciales ou financières avec un autre pays. Les thèmes centraux de cet ouvrage et les idées de Hirschman sur la politique commerciale comme "alternative à la guerre" sont revenus au premier plan du débat public aujourd’hui, motivés en grande partie par l’affirmation croissante de la Chine, la politique commerciale "America First" de Donald Trump et les sanctions à grande échelle contre la Russie depuis 2022. Il n’est par conséquent pas surprenant que plusieurs contributions récentes et influentes en géoéconomie s’appuient sur les travaux de Hirschman.

Clayton, Maggiori et Schreger [2023] présentent "un cadre pour la géoéconomie". Dans leur modèle, un grand pays hégémonique surmonte le problème notoire de l’applicabilité limitée des contrats internationaux. Le mécanisme clé concerne la coordination des menaces conjointes avec d’autres pays, en tirant aussi parti de l’amplification des chocs via les réseaux intrants-productions. L’hégémon utilise ces sanctions coordonnées pour agir comme un exécuteur mondial, par exemple en menaçant de couper l’accès aux systèmes de paiement mondiaux ou aux technologies critiques. Dans ce monde, un hégémon a un rôle dual. Il utilise son pouvoir pour extraire des rentes mondiales, ce qui détériore la situation des petits pays. Mais l’hégémon fournit également un bien public mondial en facilitant l’application des contrats transfrontaliers, ce qui contribue à accroître la production et le bien-être mondiaux.

Clayton, Maggiori et Schreger [2024] s’appuient sur ce cadre, en se focalisant en particulier sur la réponse des pays qui cherchent à prévenir la coercition et l’extraction de rentes par l’hégémon. Ils mettent l’accent sur un arbitrage. Individuellement, les petits pays peuvent gagner en sécurité en découplant leur économie des réseaux commerciaux et financiers de l’hégémon. Mais si plusieurs pays le font de façon non coordonnée, cela peut déclencher une "cercle vicieux de fragmentation" qui réduit les gains à l’échange mondiaux.

Sturm et O’Connor [2024] et Kooi [2024] se focalisent également sur la façon par laquelle les pays réagissent lorsqu’ils font face à un risque accru de coercition géoéconomique et de conflit. Dans ces deux articles, les pays utilisent stratégiquement les subventions financières et les politiques commerciales sur leur territoire pour être mieux préparés à de futurs conflits à l’étranger. Ces modèles aident à rationaliser les raisons pour lesquelles les gouvernements choisissent de soutenir certains secteurs domestiques pour des raisons géopolitiques prospectives, même si un tel soutien peut sembler inefficace en temps de paix.

La notion de coercition économique joue aussi un rôle central dans l’article de Liu et Yang [2024], qui combine la théorie avec un effort empirique complet pour mesurer le pouvoir international et les liens politiques bilatéraux. L’une des principales conclusions de leur article est que la montée des tensions géopolitiques peut pousser les pays à étendre stratégiquement leur pouvoir international via les réseaux commerciaux.

Hégémonie, alignement et mondialisation

Un autre débat qui fait surface est celui sur l’hégémonie et la mondialisation. Comment les superpuissances façonnent-elles le système commercial mondial ? Et quelles sont les implications économiques d’un passage d’un monde hégémonique à un monde plus multipolaire ? Durant la guerre froide des années 1970 et 1980, ces questions ont été étudiées en profondeur, avec des travaux couvrant l’histoire économique (par exemple Kindleberger [1973, 1986]), la science politique (par exemple Gilpin [1981]) et l’école sociologique du "système-monde" (par exemple Braudel [1984], Wallerstein [1989]).

Kindleberger (1973), en particulier, a développé le concept de "stabilité hégémonique" (hegemonic stability) selon lequel un système économique mondial intégré a besoin d’un hégémon pour le soutenir. Gilpin [1975] et Krasner [1976] ont davantage développé cette idée en soulignant que les hégémons favorisent l’intégration par intérêt personnel plutôt que par altruisme. Une puissance hégémonique avec une économie importante et efficace est vouée à bénéficier de l’intégration, ce qui l’amène ensuite à soutenir l’intégration via l’usage de blocs de puissance militaires et politiques. Des travaux récents reprennent ces idées et les formalisent.

Broner, Martin, Meyer et Trebesch [2024] présentent un modèle de mondialisation hégémonique dans lequel le commerce international augmente avec l’alignement politique. La présence d’un grand pays hégémonique incite à l’alignement autour de l’hégémon, soutenant ainsi le commerce et le bien-être mondiaux. L’émergence d’une deuxième grande puissance, cependant, peut défaire la mondialisation. Empiriquement, ils testent leur théorie en utilisant un ensemble de données nouvellement compilées de traités bilatéraux et multilatéraux sur 200 ans. Ils constatent que les hégémons influencent la signature de traités et que les pays qui signent des traités avec un hégémon commercent davantage, non seulement avec l’hégémon, mais aussi avec d’autres pays qui sont alignés avec l’hégémon. Un monde avec un seul grand hégémon est susceptible de connaître une mondialisation plus profonde.

Le lien entre l’alignement politique et le commerce international est aussi étudié dans Kleinman, Liu et Redding [2024]. Ils montrent que les pays qui commercent beaucoup entre eux sont aussi plus susceptibles d’être politiquement alignés les uns avec les autres. Empiriquement, ils mesurent l’exposition économique en utilisant des données commerciales détaillées et exploitent l’entrée de la Chine dans le système commercial mondial pour montrer un effet causal de l’exposition économique sur le (ré)alignement. Dans un travail connexe, Hinz [2023] montre que les considérations géopolitiques peuvent influencer la décision d’un pays de s’intégrer économiquement avec un autre pays.

Fragmentation, découplage et risques sur les chaînes d’approvisionnement

Le débat actuel sur la fragmentation du commerce trouve ses racines dans le débat sur la "démondialisation" de la fin des années 2010 et du début des années 2020. Des chercheurs comme Colantone, Ottaviano et Stanig [2022] parlent d’un "contrecoup mondial" (global backlash) contre la mondialisation, tandis qu’Irwin [2020] voit la mondialisation reculer pour la première fois depuis des décennies. En se basant sur des données détaillées, Antràs (2020) et Goldberg et Reed (2023) réfutent l’idée que l’économie mondiale soit entrée dans une phase de démondialisation. Au lieu de cela, ils soulignent la surprenante résilience du commerce mondial et voient plutôt une tendance à la "slowbalisation", c’est-à-dire à un ralentissement de la croissance du commerce mondial après deux décennies d’expansion rapide.

Parallèlement, Antràs [2023] et Goldberg et Reed [2023] voient l’attaque russe contre l’Ukraine comme le début d’une nouvelle ère de troubles géopolitiques, avec des risques accrus pour la mondialisation et le libre-échange. Goldberg et Reed [2023], par exemple, soulignent que "la sécurité nationale est à ce jour l’argument le plus puissant contre une mondialisation sans contrainte, tirée par le marché". Comme le souligne Irwin [2023], cette déclaration fait écho à celle d’Adam Smith qui a écrit que "la défense est bien plus importante que l’opulence".

En lien avec cela, il y a désormais un nombre croissant d’articles empiriques étudiant les signes de fragmentation géoéconomique, de découplage ou d’"amicalisation" (friendshoring) (pour une revue de la littérature, voir Aiyar et al. [2023]). Pour étudier la fragmentation géopolitique, la littérature utilise diverses mesures de la distance géopolitique entre les pays. Une approche courante a été d’utiliser les différences dans les schémas de vote des pays à l’Assemblée générale des Nations Unies, par exemple en utilisant les votes sur la guerre russe contre l'Ukraine (par exemple Bolhuis et al. [2023], Gopinath et al. [2024], FMI [2023]). L'article de Fernández-Villaverde, Mineyama et Song [2024] construit un indice de fragmentation plus complet en combinant un large éventail de sous-indicateurs tels que l'ouverture commerciale, les restrictions et sanctions commerciales, le risque géopolitique ou les conflits. En se basant sur cet indicateur, ils constatent que la fragmentation géopolitique a des effets négatifs sur le PIB, la production industrielle, l'investissement et les marchés d'actifs, avec des impacts particulièrement sévères sur les économies émergentes.

Le point à retenir de cette littérature limitée, mais en développement, est que les flux commerciaux sont de plus en plus réorientés selon des lignes géopolitiques, bien qu'il y ait un désaccord sur l'ampleur réelle de cette divergence. En outre, la fragmentation s’avère économiquement coûteuse (par exemple Attinasi et al. [2023] ; Góes et Bekkers [2023] ; Hakobyan et al. [2023] ; Javorcik et al. [2024]). Un autre courant de la littérature se focalise sur les pays connecteurs, qui cultivent des liens avec des partenaires de différents blocs géopolitiques [Aiyar, 2024].

Une littérature connexe et influente se focalise spécifiquement sur les chaînes de valeur mondiales, qui sont au cœur de l’économie mondialisée d’aujourd’hui (pour d’excellentes revues de la littérature, voir Antràs et Chor [2022], Baldwin et Freeman [2022]). Ces dernières années, la vision positive des chaînes de valeur mondiales a été éclipsée par les inquiétudes à propos des risques pesant sur celles-ci, notamment les risques géopolitiques.

Les chercheurs se focalisent par conséquent de plus en plus sur les vulnérabilités des chaînes d'approvisionnement, que ce soit dans des régions en conflit comme l'Ukraine [Korovkin et al., 2024] ou dans le contexte de la guerre commerciale entre les États-Unis et la Chine (par exemple, Antràs et Staiger [2012] ; Blanchard et al. [2024] ; Grossman et al., [2024]). Alfaro et Chor [2023], entre autres, montrent des preuves empiriques d'une "grande réallocation" (great reallocation) des chaînes de valeur américaines, avec un éloignement de la Chine et un rapprochement sur des alliés comme le Mexique et le Vietnam. Un point fort de ce domaine de travail est l'accessibilité de données microéconomiques riches et représentatives. Smirnyagin et Tsyvinski [2022] et Liu et al. [2024], par exemple, étudient les perturbations des chaînes de valeur en se basant sur l'univers des importations maritimes américaines, avec plus de 200 millions d'observations au niveau des expéditions. Ce n’est qu’une question de temps avant que ce type de données soit utilisé pour mieux comprendre le rôle des chocs de risque géopolitique dans le commerce mondial.

La géopolitique de la finance internationale : devises et flux de capitaux

Le lien entre la finance et le pouvoir fascine depuis longtemps les chercheurs. Les politistes, les sociologues et les historiens sont revenus à plusieurs reprises sur la question du pouvoir structurel dans le système financier international (voir par exemple Kennedy [1987], Tilly [1990], Helleiner [1994], Strange [1996], Hardt et Negri [2000), Frieden [2006]). Nous nous focalisons ici sur deux grandes branches de la littérature qui lient géopolitique et finance internationale : (i) la domination monétaire et (ii) les flux de capitaux pilotés par l’État. Cette littérature a pour pionnier Barry Eichengreen, entre autres, et gagne aujourd’hui en popularité.

La domination monétaire et l’hégémonie financière

La question de l’hégémonie financière et de la domination monétaire connaît un regain d’intérêt notable, principalement avec la question du rôle dominant du dollar américain dans le commerce et la finance mondiaux. Les classiques dans ce domaine incluent Eichengreen [1996], Eichengreen [2011] et les travaux d'Ilzetzki, Reinhart et Rogoff (2019). Pour d'excellentes études récentes, voir Gopinath et Itskhoki [2022] et Gourinchas, Rey et Sauzet [2019]. Plusieurs contributions récentes étudient les facteurs et les conséquences de l'utilisation du dollar américain dans la facturation commerciale et sur les marchés des changes, en partie motivées par les travaux fondateurs de Gopinath et al. [2020] et Gopinath et Stein [2021]. D'autres travaux influents se focalisent sur le rôle du dollar américain en tant que monnaie d'émission sur les marchés de la dette (par exemple, Maggiori, Neiman et Schreger [2019]), ainsi que sur la capacité unique des États-Unis à produire des actifs sûrs (par exemple, Farhi et Maggiori [2018]).

Plusieurs articles récents se tournent vers l'histoire pour en savoir plus sur la domination et l'hégémonie monétaires. Le récent article de Coppola, Krishnamurthy et Xu [2023], par exemple, revient sur quatre siècles plus tôt et montre que, aussi bien à l’époque qu’aujourd’hui, les investisseurs recherchent des marchés d’actifs profonds et liquides. Ce canal de la liquidité contribue à expliquer les longues périodes de domination du florin néerlandais, de la livre britannique et du dollar américain.

La surprenante persistance des devises d’ancrage mondiales est également explorée par Chahrour et Valchev [2022], qui soulignent le rôle des collatéraux commerciaux, ainsi que par Mukhin [2022], qui se focalise sur les complémentarités dans la fixation des prix et les liens intrants-production. Ces articles rejoignent Kennedy [1987], qui estime que la domination d’une devise est étonnamment résiliente et souvent le dernier des privilèges des grandes puissances à tomber. La livre sterling, par exemple, dominait encore le commerce et la finance mondiaux au début des années 1920, bien que la domination militaire et économique du Royaume-Uni ait depuis longtemps décliné.

Pour l’avenir, la grande question qui se pose derrière une grande partie de ces travaux est de savoir si et quand l’hégémonie du dollar américain prendra fin [Rey, 2019]. Le déclin de l’hégémonie américaine a été prédit à de nombreuses reprises (par exemple par Kennedy [1987] et Wallerstein [2003] et, pour l’instant, le dollar américain continue d’être prééminent. Cependant, compte tenu de l’expérience historique et de l’ascension continue des puissances économiques asiatiques, ce n’est peut-être qu’une question de temps. Eichengreen [2011], Gourinchas [2019] et Mukhin [2022], s’accordent tous à dire que le système actuel dominé par les États-Unis finira par céder la place à un nouvel équilibre mondial et ils estiment que l’apparition d’un ordre multipolaire de devises régionales est l’issue la plus probable.

Si l’histoire se répète, les forces géopolitiques joueront un rôle central dans la transition vers un abandon du dollar [Eichengreen et al., 2018 ; Ikenberry, 2001 ; Doshi, 2021]. Les premiers signes d’un tel changement sont déjà apparents, la Chine ayant stratégiquement étendu son empreinte dans le système financier mondial. Au cours des quinze dernières années, la Chine a lancé un réseau mondial de lignes de swaps de devises qui offrent un accès à la liquidité à d’autres banques centrales [Bahaj et Reis, 2022]. La Chine a ouvert son marché des obligations publiques aux investisseurs étrangers [Clayton et al., 2024]. Chose que beaucoup ignorent, la Chine est également devenue un prêteur international en dernier ressort pour les pays en difficulté financière, accordant plus de 150 milliards de dollars de prêts de sauvetage au cours de la dernière décennie, soit l’équivalent de 20 % des prêts du FMI accordés au cours de la même période [Horn et al., 2023]. En outre, l’État chinois est également devenu le plus grand prêteur officiel au monde grâce à son initiative Belt and Road, surpassant le portefeuille de prêts de tous les gouvernements occidentaux réunis [Horn et al., 2021]. Nous abordons la question des flux de capitaux dirigés par les gouvernements dans la section suivante.

Géopolitique et flux de capitaux

Le lien entre la géopolitique et l’allocation internationale de capitaux est sous-exploré, à la fois théoriquement et empiriquement.

Une littérature émergente examine les flux de capitaux dirigés par l’État, en particulier les prêts entre gouvernements, qui sont intrinsèquement (géo)politiques. Alfaro, Kalemli-Ozcan et Volosovych (2014) ont été les pionniers de la littérature sur les flux de capitaux souverains aux Etats, en montrant à quel point ces flux ont été importants et contracycliques depuis les années 1970. Horn, Reinhart et Trebesch (2021) documentent la forte augmentation des prêts internationaux officiels chinois (voir également Dreher et al. [2022]). Ils montrent que les prêts étrangers de la Chine aux pays en développement sont presque entièrement contrôlés par l’État, qu’ils sont beaucoup plus importants qu’on ne le pensait auparavant et qu’ils ont des conditions qui ressemblent aux prêts privés internationaux plutôt qu’à celles d’autres créanciers officiels. Gelpern et al. [2023] et Franz et al. [2024] poursuivent ces travaux pour montrer que les banques publiques chinoises incluent des clauses (géo)politiques dans leurs contrats de prêt internationaux et que les banques chinoises offrent des conditions de prêt préférentielles pour des projets stratégiques à l’étranger, par exemple pour des infrastructures qui permettent le commerce avec la Chine ou pour des projets de prestige militaire ou politique.

Horn, Reinhart et Trebesch [2024] fournissent une vue d’ensemble des flux de capitaux dirigés par l’État sur 200 ans, en s’appuyant sur une base de données mondiale nouvellement compilée de prêts, de subventions et de crédits de banques centrales remontant à 1790. Ils montrent que les hégémons en essor étaient également les prêteurs officiels dominants de leur époque : les nations européennes au dix-neuvième siècle, les États-Unis dans les décennies qui ont suivi la Seconde Guerre mondiale et aujourd’hui de plus en plus la Chine. Hier, comme aujourd’hui, les flux de capitaux dirigés par l’État sont fortement contracycliques. Ils augmentent précisément lorsque les flux de capitaux privés diminuent, en particulier dans les périodes de turbulences, notamment durant de grandes guerres et des crises financières. Ces constats sont cohérents avec la description que Kindleberger a fait 1981 d’un stabilisateur hégémonique qui fournit "un flux de capitaux régulier, voire contracyclique".

Ces articles offrent des leçons historiques plus larges pour aujourd’hui. Dans un monde plus multipolaire avec des tensions géopolitiques croissantes, les États sont susceptibles de devenir (encore) très dominants dans la finance mondiale, tandis que les flux de capitaux privés pourraient jouer un rôle moindre, possiblement à cause des contrôles des capitaux. Dans cette optique, ce n’est pas une coïncidence si la plupart des puissances émergentes d’aujourd’hui, comme la Chine, l’Inde ou l’Arabie saoudite, ont tendance à utiliser des banques publiques et des véhicules financiers contrôlés par l’État pour investir ou prêter à l’étranger. Les marchés financiers mondiaux sont susceptibles de devenir plus (géo)politiques dans les décennies à venir.

Les premiers signes de fragmentation géopolitique dans la finance mondiale deviennent visibles, du moins selon plusieurs études qui utilisent des données actuelles. Kempf, Luo, Schäfer et Tsoutsoura [2023], par exemple, montrent que la distance idéologique entre les pays façonne la taille et la direction des flux de capitaux, tandis qu’Aiyar, Malacrino et Presbitero [2024] et Gopinath, Gourinchas, Presbitero et Topalova [2024] constatent que les flux d’IDE sont de plus en plus corrélés avec les tensions géopolitiques et avec le (ré)alignement ces dernières années. Davantage de travaux sont nécessaires sur le rôle de la géopolitique et de l’hégémonie dans le système financier international.

L’économie des guerres (externes)

La guerre est le résultat le plus destructeur de la rivalité entre les puissances nationales, avec des implications (géo)économiques majeures. Ici, nous passons en revue les travaux économiques sur les guerres externes plutôt que sur les guerres internes, car la géoéconomie est par définition internationale et se focalise sur les questions de rivalité transfrontalière. Nous nous focalisons en particulier sur (i) le débat de longue date sur le lien entre le commerce international et la guerre, (ii) la littérature sur le coût des guerres (externes) et (iii) les travaux en économie sur le financement de la guerre et la production militaire. Pour un excellent aperçu de la littérature économique plus large sur les guerres et les conflits, voir le nouveau Handbook de Dube, Morelli, Ray et Sjostrom [2024].

Commerce international et guerre – La mondialisation apporte-t-elle la paix ?

Montesquieu, Kant et John Stuart Mill ont tous écrit sur la relation entre le commerce international et la guerre. À l’époque, comme aujourd’hui, l’une des questions centrales était de savoir si l’intégration économique apporte la paix ou plutôt le contraire (voir le superbe résumé dans Thoenig [2024]).

Selon la vision libérale, le commerce international réduit la probabilité d’une guerre entre États, car l’interdépendance économique et les liens commerciaux accroissent le coût d’opportunité du conflit. Angell [1909] est un célèbre partisan de cette vision, qui a affirmé dans son best-seller de 1909 que les coûts économiques de la guerre étaient devenus si élevés qu’ils dépassaient tous les gains possibles. Il a donc prédit qu’une guerre entre les puissances européennes était hautement improbable, mais les événements lui ont donné tort cinq ans plus tard.

La vision réaliste, de son côté, suggère que le commerce international accroît les rivalités entre États. La guerre devient plus probable avec l’intégration économique, comme les pays se préoccupent davantage de leurs dépendances et se font concurrence plus intensément pour les biens stratégiques et les gains à l’échange (voir par exemple Findlay et O’Rourke [2007] et Waltz [1979]).

Les premiers travaux empiriques sur le lien entre guerre et commerce international ont examiné soit l’effet de l’intégration commerciale sur la probabilité de guerre (par exemple Polachek [1980], Mansfield [1995], Barbieri [2002]), soit l’effet opposé, c’est-à-dire l’effet des conflits sur le commerce bilatéral [Blomberg et Hess, 2006 ; Glick et Taylor, 2010].

L’article séminal de Martin, Mayer et Thoenig (2008) combine les points de vue libéral et réaliste et montre que la mondialisation a un impact contrasté  sur les risques de guerre et le coût d’opportunité de la guerre. Le commerce bilatéral réduit la probabilité de guerre, car les deux pays deviennent économiquement plus dépendants l’un de l’autre. Le commerce mondial, d’un autre côté, peut accroître les risques de guerre, car dans un monde multilatéral hautement intégré, les pays peuvent facilement changer de partenaires commerciaux et surmonter la dépendance vis-à-vis d’un adversaire donné. Ils avancent des preuves empiriques suggérant que la mondialisation a réduit la probabilité de conflits mondiaux à grande échelle depuis la Seconde Guerre mondiale, mais qu’elle a également augmenté la probabilité de guerres bilatérales de moindre envergure. En conséquence, les conflits sont devenus plus localisés au fil du temps, la distance moyenne entre les parties en conflit ayant été divisée par deux entre 1950 et 2000.

Thoenig (2024) généralise et adapte ce modèle pour étudier les mécanismes géoéconomiques et en particulier le rôle de la politique commerciale "dans l’ombre de la guerre". Il met en avant un dilemme de sécurité, où la dépendance aux importations en provenance d’un rival géopolitique augmente le coût de la guerre bilatérale, mais crée également des incitations à réduire cette dépendance en diversifiant les importations. Cette diversification, à son tour, réduit le coût du conflit avec chaque nation. En conséquence, il peut y avoir une boucle rétroactive entre la "réduction des risques" (derisking) et le risque mondial de guerre. Le modèle est utile pour évaluer les dilemmes actuels, tels que le découplage entre les États-Unis et la Chine ou les relations entre l’Ukraine et l’UE. Initialement, une hausse des coûts à l’échange entre les États-Unis et la Chine se traduit par des "gains de bien-être géoéconomique" pour les États-Unis. Mais si les coûts à l’échange deviennent trop importants, les risques de conflit s’intensifient, entraînant un effondrement du bien-être américain. De même, l’adhésion de l’Ukraine à l’UE augmente le bien-être et la consommation, mais elle entraîne aussi moins d’incitations à la désescalade. Un projet connexe en cours sur les bénéfices et les coûts de la réduction des risques est celui de Mayer, Mejean et Thoenig [2024].

Les coûts économiques de la guerre

Quels sont les coûts économiques de la guerre ? Les premières estimations remontent au moins à la Première Guerre mondiale (voir par exemple J. B. Clark [1916], Rossiter [1916], J. M. Clark [1931]). Depuis lors, les chercheurs ont examiné les effets de la guerre sur un large éventail de variables (pour une étude récente, voir Munroe et al. [2023]).

Barro (2006) et Barro et Ursua (2008) montrent que les guerres majeures comptent parmi les chocs macroéconomiques les plus désastreux, qui peuvent entraîner des effondrements sans précédent de la consommation, du PIB et des prix d’actifs dans les pays belligérants. De récents travaux montrent en outre les importantes répercussions internationales de la guerre, les coûts économiques augmentant à proximité des combats (Federle et al. [2024]). Cela est conforme avec les conclusions de Davis et Weinstein (2002) et de Miguel et Roland (2011), qui documentent l'impact destructeur important et durable des campagnes de bombardement sur l'activité économique dans les zones affectées. En utilisant une nouvelle mesure des pénuries, Caldara, Iacoviello et Yu (2024) montrent que les guerres internationales sont associées à des pénuries dans l'économie américaine.

D'autres publications ont regardé au-delà des agrégats macroéconomiques. L'exposition à la guerre augmente l'hostilité des groupes extérieurs et réduit l'engagement civique, ce qui pourrait expliquer l'effet persistant de la guerre sur l'activité économique et le commerce international [Rohner et al., 2013 ; Dell et Querubin, 2017]. Cela rejoint l'analyse au niveau des transactions de Korovkin et Makarin (2023), qui montre qu'après l'attaque de la Russie contre l'Ukraine en 2014, le commerce a diminué davantage pour les entreprises dans les zones où il y avait moins de Russes ethniques, c'est-à-dire dans les zones où l'érosion de la confiance due à la guerre était plus importante. En outre, les guerres peuvent forcer une substitution des intrants importés aux intrants locaux (ou vice versa), avec d’importants effets négatifs sur les entreprises (voir Amodio et Di Maio [2017] par exemple) et affecter de façon plus générale les chaînes d’approvisionnement [Korovkin et al., 2024).

Financement de la guerre et production militaire

Le financement de la guerre est un facteur crucial pour le succès de la guerre, comme l’a souligné Nicolas Machiavel il y a plusieurs siècles. Au fil du temps, les méthodes de financement des guerres ont considérablement évolué. Tilly [1990] a noté que "la guerre a créé les États et les États ont créé la guerre", soulignant comment la guerre a obligé les États à développer de meilleures institutions afin de lever des fonds suffisants, ce qui leur a permis de s’engager dans de nouveaux conflits [Gennaioli et Voth, 2015 ; Cantoni et al., 2024]. Comme les guerres ont gagné en ampleur et en complexité, les défis liés à leur financement se sont également accrus, obligeant souvent des économies entières à s’adapter aux exigences de l’effort de guerre. Cependant, un financement efficace des guerres ne consiste pas simplement à maximiser les fonds disponibles pour la guerre, mais nécessite un équilibre entre un certain nombre d’objectifs supplémentaires (contradictoires), en particulier la stabilité économique et la cohésion politique [Zielinski, 2016].

Le débat sur le financement des guerres tourne souvent autour de la source de financement. Au dix-huitième siècle, des économistes comme Adam Smith et David Ricardo ont préconisé le financement des guerres par l’impôt plutôt que par l’emprunt excessif. De même, pendant la Seconde Guerre mondiale, Keynes [1940] a proposé des hausses d’impôts plutôt que l’endettement ou la planche à billets.

La littérature moderne sur le financement de la guerre est limitée et sous-développée. La première analyse quantitative a été fournie par Ohanian [1997], qui a mené des exercices contrefactuels pour les États-Unis et a constaté que le passage du financement par l’endettement au financement par l’impôt réduit considérablement les coûts économiques de la guerre. En outre, des travaux ont été menés sur la manière dont la façon de financer de la guerre peut affecter la réputation de la monnaie d’une nation [Hall et Sargent, 2014]. Scheve et Stasavage [2016] montrent que les guerres mondiales ont entraîné de fortes augmentations des taux d’imposition et des recettes fiscales, en particulier dans les pays belligérants, tandis que Mitchener et Trebesch [2023] montrent qu’une hausse massive du ratio dette publique/PIB s’est produite pendant les guerres mondiales. Les gouvernements en guerre ont aussi l’habitude d’introduire de nouveaux types d’impôts, tels que les impôts sur les "surprofits" [Hicks et al., 1941].

De récents travaux étudient également le lien entre hégémonie et financement de la guerre. Pflueger et Yared [2024], en particulier, montrent que les pays militairement dominants bénéficient d’un avantage financier sous la forme de rendements obligataires d’État plus faibles, ce qui aide ces pays hégémoniques à maintenir leur avantage de puissance et à gagner des guerres. Dans leur modèle, c’est la taille du capital militaire d’un pays qui explique le privilège exorbitant dont jouissent les hégémons comme les États-Unis.

Enfin, il y a le débat de longue date sur "les armes contre le beurre" (guns vs butter), c’est-à-dire l’arbitrage entre dépenses militaires et dépenses sociales. Les premiers travaux n’étaient pas concluants quant à l’existence d’un tel arbitrage (voir par exemple Russett [1982], Mintz [1989]). La récente étude de Marzian et Trebesch (2024) étudie le financement de la guerre et les booms des dépenses militaires au cours des 150 dernières années et elle constate que les coupes dans les dépenses sociales sont l’exception rare. La plupart des guerres et des booms militaires ont été financés par l’endettement et, dans une moindre mesure, par les impôts.

Un deuxième facteur important du succès d’une guerre est l’efficacité de la production militaire, c’est-à-dire la meilleure façon de dépenser l’argent pour l’armement et la guerre. Un courant de recherche se focalise sur l’efficacité des achats et de la production militaires. Comme les guerres nécessitent une hausse soudaine et massive de la production d’armes, les économistes étudient depuis longtemps comment accroître la productivité, par exemple via des mécanismes d’apprentissage par la pratique. Parmi les exemples de ces travaux, citons Thompson [2001], Thornton et Thompson [2001] et Ilzetzki [2024), qui examinent l’impressionnant succès de l’augmentation de la production d’avions et de navires de guerre américains pendant la Seconde Guerre mondiale. D’autres étudient les processus d’approvisionnement en temps de paix, qui ont la réputation d’être lents, gaspilleurs et inefficaces (voir Uttley [2018] pour une revue de la littérature). L’article de Bhattacharya [2021], par exemple, étudie comment de petits changements dans les concours de R&D de l’armée américaine peuvent significativement augmenter l’efficacité des achats.

Un autre courant de recherche étudie les effets de diffusion de la production et de la R&D militaires. La littérature reçue sur le lien entre dépenses militaires et croissance utilise principalement des données agrégées et aboutit à des résultats mitigés, souvent contradictoires (voir l’enquête de Yesilyurt et Yesilyurt [2019]). Les travaux récents, en revanche, utilisent des microdonnées détaillées. Gross et Sampat [2023] et Kantor et Whalley [2024], par exemple, constatent que les programmes d’investissement à grande échelle du gouvernement américain dans la R&D militaire pendant la Seconde Guerre mondiale et pendant la course à l’espace de la guerre froide ont chacun eu des effets positifs substantiels à long terme sur l’économie et l’innovation américaines. En s’appuyant sur des données plus récentes, Moretti, Steinwender et Van Reenen [2023] soutiennent cette vision positive, en montrant que les investissements publics en R&D augmentent les investissements privés, en particulier pour la R&D liée à la défense. […] »

Cathrin Mohr & Christoph Trebesch, « Geoeconomics », CESifo, working paper, n° 11564. Traduit par Martin Anota

 

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